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Un état des lieux des 6 concepts (2017)

Source : Panorama mondial des systèmes de Génération IV, par Francois Gauché et Joël Guidez, Revue Générale Nucléaire – mars avril 2017 • N°2

Trois concepts de surgénérateurs à neutrons rapides
Les trois premiers concepts de réacteurs de quatrième génération sont surgénérateurs. Fonctionnant avec des neutrons rapides, ils seraient à même de brûler les stocks accumulés de plutonium et de régénérer leur combustible. Pour les réacteurs rapides refroidis au sodium, on dispose déjà de l’expérience des réacteurs existants.
© CEA

Réacteurs surgénérateurs à neutrons rapides

Les trois concepts sont distingués par le fluide utilisé pour le refroidissement et l’évacuation de la chaleur : sodium liquide, eutectique plomb-bismuth et gaz d’hélium sous haute pression.

1) Les réacteurs à neutrons rapides au sodium (RNR Na)

Ces réacteurs sont les seuls à avoir été en fonctionnement.

Les réacteurs refroidis au sodium en exploitation en 2017 :

– Russie : le réacteur expérimental BOR 60, et les réacteurs de puissance BN 600 (600 MWe) et BN 800 (880 MWe)-
– Chine : le réacteur expérimental CEFR (25 MWe)
– Japon : le réacteur expérimental Joyo, actuellement en attente d’autorisation de redémarrage
– Inde : le réacteur expérimental FBTR

Les réacteurs refroidis au sodium en construction :
– Inde : Réacteur PFBR (500 MWe) en cours de remplissage sodium pour premiers essais
– Russie : Réacteur expérimental MBIR (40 MWe) développé pour remplacer le réacteur BOR 6

Les projets de réacteurs refroidis au sodium à l’étude :
– ASTRID : projet de réacteur de puissance de 600 MWe développé par la France en collaboration avec le Japon. Le projet ASTRID a été arrêté en 2019.
– PGSFR : projet coréen de 350 MWe, développé en collaboration avec les Américains,  avec un retraitement par pyro-processing
– CDFR : projet chinois de 600 MWe, développé en collaboration avec la Russie
– Projet Prism de 311 MWe développé depuis 1994 par GE-Hitachi
– Réacteur ARC-100 (100 MWe) développé par la société Advanced Reactor Concept LLC depuis 2006
– Projet Terrapower, le réacteur de Bill Gates
– Projet russe BN 1200 (1 200 MWe) destiné prendre la suite de BN 800, dans la chaîne de production
– Projet JSFR de réacteur rapide, à l’étude au Japon, en stand-by depuis 2011.

2) Les réacteurs rapides refroidis au plomb-bismuth

Le liquide qui assure le refroidissement est un mélange dit eutectique de plomb et de bismuth. Ce mélange (45% de plomb et 55% de bismuth) devient liquide au dessus de 125°C.

Les réacteurs rapides refroidis avec l’eutectique plomb/bismuth avaient été choisis par l’Union Soviétique pour équiper ses sous-marins nucléaires. Ils présentaient un certain nombre d’avantages dont la possibilité de fonctionner avec une bonne protection neutronique. Des problèmes liés au pouvoir de corrosion du plomb sur les matériaux métalliques ont conduit à des accidents et à l’abandon de cette filière pour les sous-marins russes. En 2017, aucun réacteur au plomb n’a jamais été construit et n’a jamais fonctionné.

Cependant, le plomb présente un certain nombre d’avantages. Il ne réagit pas chimiquement avec l’air ou l’eau. Il est facilement disponible. Le problème fondamental de la corrosion reste à résoudre. La seule expérience disponible, mais négative, est l’expérience des réacteurs de sous-marins russes utilisant l’eutectique plomb/bismuth.

Des recherches se poursuivent pour tenter de faire sauter certains verrous technologiques identifiés. La Russie garde le leadership dans le domaine.

Principaux projets en attente d’être lancés :
– Russie, projets Brest-300 et SVBR-100
– Commission Européenne, études dans le cadre du projet Alfred
– Chine, centre de recherche et projet de petit réacteur (Clear 1)
– USA et Canada, études de divers concepts (LakeChime, Gen4 Energy, et Leadir-PS)

3) Les réacteurs GFR

Le gaz choisi pour l’évacuation de la chaleur (caloporteur) est de hélium sous haute pression. Gaz noble, chimiquement neutre, l’hélium n’est pas corrosif. La capture neutronique est très faible. Mais l’hélium est un gaz. Le transfert de chaleur solide-gaz est médiocre. Ceci oblige à faire travailler le caloporteur à fort débit et sous forte pression et limite la puissance volumique du cœur. Le gaz pose des problèmes d’étanchéité.

Les réacteurs GFR fonctionnent à haute température. Ils allient les avantages des réacteurs rapides avec les avantages de températures élevées permettant des forts rendements et des applications industrielles de la chaleur. Ils nécessitent le développement d’un combustible réfractaire type carbure, et d’un cycle du combustible adapté. Par ailleurs, une forte baisse de pression fait perdre à l’hélium ses capacités pour évacuer la puissance dégagée. Du fait de la capacité limitée des gaz à évacuer la puissance résiduelle en cas de dépressurisation, ces réacteurs demandent des développements importants pour satisfaire les critères de sûreté requis pour les réacteurs de la génération IV.

Pour ces raisons, ils restent considérés comme une option à long terme.
– Actuellement un consortium (V4G4) réunissant la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie en association avec le CEA, travaille sur le concept Allegro, un projet de réacteur expérimental pour cette filière.
– On peut aussi signaler aux Etats-Unis, l’Hélium Cooled Fast Reactor étudié par General Atomic (projet EM2 de 265 MWe).

TROIS AUTRES CONCEPTS SANS NEUTRONS RAPIDES : VHTR, SCWR, MSR

les trois derniers concepts génération IV
Les trois derniers concepts sont les réacteurs à gaz à très haute température (Very High Temperature Reactors ou VHTR), les réacteurs à eau supercritique (Supercritical Water Reactors ou SCWR) et les réacteurs à sels fondus (Molten Salt Reactors ou MSR). Les deux premiers ne sont pas à neutrons rapides et surgénérateurs. Le troisième est très différent par sa conception de tous les autres types de réacteurs. Il pourrait fonctionner avec du thorium comme combustible.
© CEA

Les réacteurs à gaz à très haute température (VHTR), les réacteurs à eau supercritique (SCWR) et les réacteurs à sels fondus (MSR) se distinguent par de multiples aspect des trois précédents concepts surgénérateurs à neutrons rapides. En particulier, les réacteurs à sels fondus (Molten Salt reactors) sont très différents des autres réacteurs : leur combustible serait sous forme liquide.

4) Réacteurs VHTR à très haute température.

Les réacteurs à très haute température (VHTR) constituent un concept original développé dans les années 1960 à 1980, avec la construction et l’opération de plusieurs réacteurs précurseurs à haute température ( HTR )dont deux réacteurs de puissance à 300 et 330 MWe. Le concept des hautes températures est donc le seul avec le concept des réacteurs rapides au sodium à disposer soit de réacteurs expérimentaux disponibles, soit de réacteurs en construction.

Une originalité des HTR est un combustible exceptionnellement robuste constitué de particules de 1 millimètre de diamètre composées d’un noyau de matière fissile enrobé de plusieurs couches de carbure. Ce combustible retient les produits de fission jusqu’à au moins 1600°C.

Il s’agirait de construire des réacteurs de puissance limitée (des modules) au lieu de produire de l’énergie avec de très gros réacteurs. De cette façon, lorsque l’on perd le refroidissement normal du réacteur, la chaleur produite peut être évacuée par conduction et rayonnement thermique : un avantage important en termes de sûreté passive, avec un cœur qui ne peut pas fondre.

Ces réacteurs ne sont pas surgénérateurs et ne présentent pas d’avantages au niveau de la consommation d’uranium. Le cycle du combustible serait ouvert, car le combustible usé serait difficile à retraiter.

Les difficultés de mise au point de matériaux résistants aux très hautes températures, ont pour le moment limité le développement, ainsi que des raisons essentiellement économiques car leur faible densité de puissance conduit à des réacteurs volumineux à puissance limitée.

5) Les réacteurs à eau supercritique (SCWR)

Ces réacteurs exploiteraient des caractéristiques très intéressantes de l’eau à l’état supercritique, un état fluide obtenu à une forte pression ou température. Dans cet état, les propriétés de l’eau deviennent intermédiaires entre celles d’un liquide et d’un gaz. Le fluide acquiert des propriétés nouvelles dans un domaine de température et de pression où la capacité calorifique est considérablement augmentée. Cette augmentation conduirait en principe à de spectaculaires diminutions de dimensions et de coût pour ces réacteurs à eau.

Cependant, de nombreux problèmes surgissent, soit technologiques (fortes pressions, corrosion des matériaux, etc.), soit de sûreté lorsque les conditions de fonctionnement (température et pression) sortent du domaine favorable.

Le Canada a le leadership dans ce domaine avec une réflexion pour une application éventuelle aux réacteurs de type Candu. Le NPIC (Nuclear Power Institute of China) a annoncé en 2017, travailler sur le réacteur supercritique SCR-1000.

6) Les réacteurs à sels fondus ( MSR )

Les réacteurs à sels fondus présentent un concept très innovant où le combustible est dissous dans le fluide caloporteur. Ce fluide est un sel fondu, nitrure ou fluorure. Le rechargement du cœur par simple réintroduction en ligne de combustible sous forme liquide. Une originalité très intéressante du concept est que le retraitement du combustible usé se ferait en ligne sur un débit partiel dérivé.

Ce concept a des potentialités séduisantes mais pose aussi de nombreux problèmes techniques, au niveau des matériaux, de la maintenance, d’une chimie complexe et évolutive. Il présente l’intérêt de pouvoir utiliser le thorium comme combustible et ainsi de pouvoir brûler du plutonium et des actinides.

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