Durée des déchets
Combustibles usés et déchets vitrifiés : quelle durée ?
“Une grande partie des déchets nucléaires resteront dangereux pendant des centaines de milliers d’années, léguant un héritage empoisonné aux générations futures“. Ce message de l’organisation Greenpeace, engendre des peurs compréhensibles. Slogan ou réalité ? Qu’en pensent le physicien, l’ingénieur ? Que dit la Nature ?
100 000 ans pour les déchets les plus radioactifs ?
L’échéance de 100 000 ans est souvent citée. L’humanité atteindra-t-elle ce grand âge, 50 fois les années écoulés depuis la naissance du Christ. A 100 000 ans, il y aura-t-il encore des humains sur Terre ? Auront-ils disparus ou seront-ils partis vers une autre planète ?
Contrairement aux humains, le devenir des atomes radioactifs est mathématiquement prévisible. Ils auront pour la plupart disparu, mais pas complètement.
S’il est impossible de définir exactement une durée pour une espèce radioactive, on peut définir le moment où il ne restera que 50%, 10 %, 0,1 % de ses atomes. Dans un colis radioactif, les espèces les plus actives, comme la plupart des produits de fission, disparaîtront lentement à l’échelle de nos vies humaines, mais bien avant le premier millénaire ! Par exemple le césium-137 perdra 99.9 % de sa radioactivité en 3 siècles. Par contre seulement 3% des atomes de neptunium-237 , un actinide mineur, auront décru en 100 000 ans. Les espèces subsistant des milliers d’années sont peu radioactives. Ainsi, le neptunium est 71 000 fois moins radioactif que le césium-137. Seul 1 noyau de neptunium sur 31000 aura émis un rayon durant les 100 ans du séjour terrestre d’un centenaire !
Pour préciser ce qui précède, comparons l’évolution de la radioactivité des deux types de déchets envisagés pour un stockage profond : les combustibles usés sortis des réacteurs et les déchets vitrifiés de haute activité produits à la Hague. Dans ces derniers, le plutonium et l’uranium qui peuvent être réutilisés, ont été retirés. Basée sur leurs compositions , cette évaluation donne une idée du niveau de radioactivité des deux types de déchets et de leur évolution.
La période d’observation choisie va de 10 ans à 100 000 ans. Les 10 ans sont le temps écoulé entre la sortie du réacteur et la fabrication des déchets vitrifiés, années durant lesquelles disparaissent les atomes les plus radioactifs à durée très courte. L’échéance de 100 000 ans fait écho aux centaines de milliers d’années évoqués par Greenpeace. Nous sommes au tout début du chemin qui mène à ces échéances extraordinairement lointaines. En 2015 les déchets les plus anciens, ont a peine une cinquantaine d’années !
Considérons d’abord l’exemple d’une tonne de combustible usé ayant subi une irradiation standard (Fig. 1). Déchargée du réacteur, elle contient quatre principaux types d’atomes radioactifs : des isotopes du plutonium, des produits de fission dits à vie courte dont le césium-137 et le strontium-90, des actinides mineurs (neptunium, américium et curium), et une poignée de produits de fission à vie longue. (NB : la radioactivité des 940 kg d’uranium est négligeable)
La contribution de la dizaine de kilogrammes de plutonium est dominante tout au long des 100 000 ans. La radioactivité de l’ensemble décroit très lentement du fait de certaines très longues périodes radioactives. Mais la décroissance est très importante à l’échelle des millénaires, plus de 5 000 fois d’après l’évaluation de la courbe de la figure 2 à l’échéance de 100 000 ans (Ce sera davantage, pour les déchets vitrifiés, dépourvus de plutonium).
La contribution de deux produits de fission à vie courte, le césium-137 et le strontium-90, entre en compétition avec celle du plutonium durant la première centaine d’années, celles que nous vivons. Mais divisée par 1000 tous les 300 ans, elle sera la première à disparaître. La décroissance des actinides mineurs est similaire à celle du plutonium, également un actinide. Leur contribution est 10 à 20 fois plus faible. Enfin, la radioactivité de la quatrième catégorie est très faible et sa contribution négligeable en raison de durées de vie extrêmement longues.
En 100 000 ans, la radioactivité aura décru près de 10 000 fois …
La figure 2 compare l’évolution de la radioactivité des combustibles usés et des colis de déchets vitrifiés produits en France. L’activité radioactive et les risques qu’elle présente auront décru plusieurs milliers de fois à l’échéance de 100 000 ans. Cependant cette décroissance reste très lente. Comment accélérer un retour à des activités sinon anodines du moins bien atténuées?
La figure montre aussi qu’en retirant le plutonium du combustible usé comme dans les déchets vitrifiés, on divise l’activité radioactive par 3 à 8 au delà de 100 ans et par 1000 à l’échéance du premier millénaire. Il faudra moins de 10 000 ans pour atteindre le niveau de décroissance que le combustible usé atteindra en 100 000 ans. De plus, les atomes radioactifs – produits de fission et les actinides mineurs – sont conditionnés à l’usine de la Hague au sein d’une matière vitreuse, dont la vertu est de les immobiliser durant des millénaires. La tenue de ces verres aux radiations serait au moins de 10 000 ans, au bout desquels la radioactivité serait divisée par environ 5000.
Pour accélérer encore davantage la décroissance radioactive, on envisage de retirer aussi les actinides mineurs. Les 100 000 ans seraient alors ramenés à 300 ans. Que faire du plutonium et des actinides mineurs ? Le plutonium retiré n’est pas de qualité militaire. Il peut être brûlé comme combustible dans des réacteurs à neutrons rapides. Quant aux actinides mineurs, moins abondants, ils pourraient l’être aussi si des brûleurs de déchets voyaient le jour.
On ne pourra entreposer indéfiniment à proximité des humains des matières aussi radioactives que les combustibles usés ou les déchets vitrifiés. Pour les premiers, il faudra un jour ou l’autre soit les retraiter, soit les enfouir à grande profondeur, ou les deux à la fois. Certains s’opposent à la fois au stockage profond de ces matières, au retraitement qui immobilise leur radioactivité, après s’être opposé au premier réacteur brûleur de plutonium (Superphenix). Refuser toutes les solutions, c’est à coup sûr “léguer aux générations futures un héritage empoisonné”!
Une écologie positive voudrait que l’on ne s’oppose pas aux techniques visant à réduire la quantité et l’activité des déchets de longue durée qu’il faudra un jour stocker. Rappelons le sage propos d’un spécialiste ; “Si on veut stocker les déchets de longue durée de vie dans des couches géologiques souterraines stables, c’est pour ajouter encore une barrière entre les radiations émis par ces déchets et nous. Mais c’est aussi pour protéger les déchets contre des intrusions humaines, volontaires ou non : à 500 mètres sous terre, ils seront à l’abri.”
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