Le train de l’enfer
Novembre 2010 : Un transport médiatisé de déchets vitrifiés
Un « Tchernobyl roulant », « le train de l’enfer », “le transport le plus radioactif qui ait jamais eu lieu“, les médias et les mouvements antinucléaires ne manquèrent ni d’adjectifs, ni d’imagination pour décrire le convoi de déchets vitrifiés parti de Valognes le vendredi 5 novembre 2010 à destination du site d’entreposage de Gorleben en Allemagne. Durant cinq jours les chaînes de télévision, les journaux gratuits du métro donnèrent un grand retentissement aux tribulations du convoi.
Le train de 14 wagons transportait 154 tonnes, soit 308 conteneurs, de déchets vitrifiés issus du retraitement à l’usine de La Hague de combustibles usés des centrales nucléaires allemandes. Dans le cadre d’accords entre les deux pays et selon la législation internationale, ces déchets doivent revenir dans leur pays d’origine, après un entreposage de quelques années à la Hague. Ils sont rapatriés en Allemagne à Gorleben où existent des installations d’entreposage.
Le convoi du 5 novembre était le onzième d’une série de 12 convois prévus entre la France et l’Allemagne. Ces transports ont toujours été l’objet de violentes contestations de mouvements anti-nucléaires. C’est au cours de celui de 2004 qu’un militant perdit la vie pour s’être enchaîné sur les rails. Le onzième convoi ne fit pas exception à la règle, Le transport dura 4 jours.
Les organisations Greenpeace et Sortir du Nucléaire affirmèrent que le “transport le plus radioactif qui ait jamais eu lieu” concentrait “au moins deux fois plus de radioactivité que le total des pollutions radioactives émises par la catastrophe de Tchernobyl”.
Ce convoi était-il dangereux ?
Un interview dans le Monde de M.Thierry Charles, directeur de la sûreté en charge des transports des déchets à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), ramena l’événement à de plus justes proportions.
Quels types de déchets ce convoi contenait-il ? « L’opération de traitement sépare les matières énergétiques recyclables des déchets non recyclables, dits “ultimes”. Les combustibles usés contiennent en effet environ 95 % d’uranium et 1 % de plutonium qui peuvent être réutilisés pour produire de l’électricité. Les 4 % restants sont des produits de fission et des actinides mineurs générés par les réacteurs nucléaires. Ce sont ces déchets hautement radioactifs que la France renvoie en Allemagne. »
Comment la sûreté du convoi était-elle assurée ? « Les produits de fission et actinides sont tout d’abord coulés dans des blocs de verre pour assurer leur confinement. Ils sont ensuite placés dans des conteneurs en acier inoxydable dont le couvercle est soudé. Enfin, ces conteneurs sont disposés dans d’autres emballages en acier, les CASTOR, d’une épaisseur de 25 cm en moyenne. »
Le rôle de cet emballage est d’abord de confiner les matières fortement actives en cas d’accident. Ils doivent à cet effet satisfaire une batterie d’épreuves prévues par la réglementation internationale. Les Castor doivent aussi atténuer les radiations. Ils suivent une réglementation édictée par l’AIEA: le débit de dose, c’est-à-dire le niveau d’irradiation reçu par l’homme, ne doit pas dépasser 2 millisieverts par heure (2 mSv/h) au contact de l’emballage et 0,1 mSv/h à deux mètres du convoi. Il y a donc bien des radiations aux abords du convoi, mais d’après les mesures effectuées par Areva et par l’IRSN, le seuil maximum n’a pas été dépassé.
Au final, ce n’était pas dangereux. « C’est d’ailleurs la onzième fois qu’un train contenant de tels conteneurs est envoyé en Allemagne. Des déchets belges ou suisses sont aussi traités à La Hague et renvoyés dans leurs pays d’origine. Cette fois-ci, si les associations écologiques s’alarment, c’est que le convoi contient un grand nombre de conteneurs : il transporte onze Castors contenant 28 conteneurs chacun, soit 308 au total. En moyenne, les précédents convois en transportaient 240. Mais que l’on mette Mais que l’on mette dix ou onze Castor sur le train, cela ne change pas grand chose … . »
Questions de fond
Les convois de déchets radioactifs sont pour certains militants antinucléaires une cause emblématique. Mais que dirait-on si de guerre lasse on plantait ces déchets en pleine nature ? Après-tout si l’on traite et vitrifie ces matières radioactives, c’est pour protéger l’environnement !
Les habitants de Gorleben redoutent que ces déchets soient un jour stockés et pas seulement entreposés comme il est prévu. L’argument selon lequel il ne fallait pas entreposer les déchets vitrifiés est-il justifié ? Les ingénieurs allemands sont parmi les meilleurs du monde. Les installations de Gorleben présentent la garantie de leur savoir-faire. Retourner les déchets dans les centrales en les dispersant comme aux USA multiplierait les lieux de stockage.
Nos grandes nations industrielles doivent gérer jusqu’au bout leurs déchets nucléaires. Sur ces graves sujets, il faudrait donner davantage la parole aux ingénieurs et scientifiques.
RETOUR PAGE Transports haute activité