LARADIOACTIVITE.COM

Une base de connaissances grand public créée et alimentée par la communauté des physiciennes et physiciens.

Piéger la radioactivité jusqu’à ce qu’elle disparaisse

Le premier siècle …
Première étape de la course de vitesse entre la décroissance naturelle de la radioactivité et la dégradation des barrières qui doivent la confiner. Des colis de déchets hautement radioactifs ont été stockés dans des ouvrages bétonnés, à grande profondeur, au sein d’une roche hôte choisie en France bien stable. L’eau n’y circule pas ou très lentement. Tout est neuf! L’activité du colis prise égale à 1000 à 5 ans d’âge tombe à 69 au bout de 100 ans. Durant le premier siècle, la radioactivité demeure extrêmement forte mais les barrières intactes la confinent.
© IN2P3 et CEA

Un scénario pour le devenir à long terme des déchets

La radioactivité des déchets destinés à être enfouis à de grandes profondeurs mettra beaucoup d’années à devenir inoffensive. Les barrières que l’homme dresse pour empêcher la radioactivité résiduelle d’atteindre son environnement résisteront-elles assez longtemps ? Qui l’emportera de la décroissance de la radioactivité ou de la dégradation de ces barrières ?

Les recherches sur le stockage entreprises dans des laboratoires, comme en France celui situé sur la commune de Bure à la frontière de la Meuse et de la Haute-Marne, ont pour objet de comprendre l’impact à long terme de déchets enfouis à grande profondeur. Au départ, les obstacles interposés pour protéger l’environnement sont : le colis de verre ou de céramique qui incorpore les atomes radioactifs, les conteneurs et l’ouvrage qui accueillent ces colis, enfin la roche hôte qui abrite cet ouvrage.

Ces barrières sont conçues pour durer bien plus longtemps que nos existences terrestres, mais si résistantes soient-elles, elles se dégraderont. Il y aura donc une course de vitesse, ou plutôt de lenteur, entre cette dégradation et l’amoindrissement de la radioactivité avec le temps.

Pendant les 200 premières années, l’activité radioactive des produits de fission – qui domine initialement – diminue de 500 fois. Durant cette phase – longue pour les humains – où l’activité est maximale, une très bonne étanchéité des trois barrières est nécessaire. Beaucoup plus tard, quand l’activité aura encore davantage décru – au bout de 5 000 ans – on comptera sur l’étanchéité de la roche hôte, pour contenir les derniers atomes radioactifs.

A l’échelle des siècles …
Seconde phase de la compétition à l’échelle de quelques siècles. Les ouvrages en béton se fissurent et se dégradent, mais la radioactivité reste confinée dans les colis. Les actinides sont devenus prépondérants. En 500 ans, l’activité du colis pris comme exemple qui valait 1000 à l’âge de 5 ans n’est plus que de 4,3 (les temps considérés pour la tenue des ouvrages ne sont que pour l’exemple).
© IN2P3/CEA

Un scénario pour des déchets vitrifiés très radioactifs stockés dans un site souterrain constitué de barrières argileuses pourrait être le suivant. Au début, dans les premières centaines d’années, les colis de haute activité échaufferont la roche avoisinante jusqu’à lui faire atteindre une température d’une centaine de degrés. Les barrières conçues pour ces conditions résistent.

La roche refroidira ensuite lentement, au rythme de la décroissance radioactive des déchets. Les conteneurs métalliques se corroderont, les ouvrages souterrains se tasseront, ouvrant éventuellement des fissures dans la roche située à proximité.

A l’échelle des millénaires
Troisième phase supposée se dérouler entre 500 à 5000 ans. Les conteneurs et les colis se dégradent à leur tour. Quelques éléments radioactifs mobiles, s’échappent de ce qui reste de la barrière ouvragée. On s’en remet à la roche hôte pour s’opposer à la dispersion des matières radioactives. En l’absence d’eau, la migration du résidu de radioactivité (2,7 millièmes à 1000 ans) par diffusion est très lente. Une partie des radioéléments mobiles est susceptible d’atteindre en ordre dispersé la surface.
© IN2P3/CEA

Beaucoup plus tard (au moins dix mille ans), les atomes radioactifs encore contenus dans les verres ou l’oxyde d’uranium commenceront à se dissoudre dans l’eau éventuellement présente, à une époque où la radioactivité aura très fortement décru. Cette dissolution par l’eau souterraine entraînera une dispersion des radioéléments restants, qui entameront alors une lente migration dans le sous-sol. L’eau souterraine percolera à travers les pores et fissures de la roche hôte, avant de parvenir dans une nappe aquifère et d’aboutir finalement à une rivière.

Des experts estiment qu’au bout de dix mille ans de séjour dans une roche souterraine gorgée d’eau, un millième de la masse totale de verre se sera dissoute. Le résidu de matières radioactives libérées devra se frayer un chemin vers la surface. Cette remontée sera difficile à travers des formations géologiques choisies pour être imperméable à l’eau.

Ce luxe de précautions peut sembler excessif, mais un confinement très sûr des matières radioactives est nécessaire si l’énergie nucléaire est amenée à se développer.