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Un objectif ultime, à l’horizon 2040 de la génération IV …

A l’époque des premiers essais sur la transmutation de l’américium et du neptunium qui remontent à 1986, les débuts paraissaient prometteurs. Aujourd’hui les recherches sur la transmutation semblent en retard par rapport aux autres recherches sur les déchets. En réalité, les défis sont d’une ampleur et d’une nature différente. Dans le cas de la transmutation, c’est un domaine nouveau que l’on explore, les outils industriels manquent. Dans le cas des autres recherches, on s’appuie sur des techniques éprouvées, on améliore un savoir faire, on contrôle son efficacité et multiplie les précautions comme dans le stockage ou le conditionnement.

Les résultats obtenus avec les outils disponibles – réacteur à haut flux de neutrons de Petten en Hollande et réacteur PHENIX avec des neutrons rapides – ont confirmé que la transmutation des produits de fission s’avérait peu rentable. Le césium nécessite une étape prohibitive de séparation isotopique, car le césium-135 que l’on cherche à détruire est régénéré par la capture de deux neutrons par le césium-133 stable. La transmutation de l’iode-129 est théoriquement possible mais la stabilité des cibles reste problématique. Seule la transmutation du technétium a été démontrée expérimentalement.

Par contre, la transmutation des actinides mineurs a été démontrée sur le plan scientifique. Soumis à un bombardement neutronique, les actinides mineurs sont effectivement cassés en des noyaux plus légers, stables ou de durée de vie beaucoup plus courte. La transmutation du neptunium dans un milieu homogène avec du plutonium a été montrée dans le réacteur de Petten à haut flux de neutrons.

Réacteur à neutrons rapides au gaz
Après les réacteurs rapides au sodium, les réacteurs rapides refroidis à l’hélium (Gaz Fast Reactors) sont une option considérée par le CEA pour la transmutation. Dans ce dispositif les actinides mineurs seraient séparés et recyclés sur place. Un prototype de 100 à 300 MW de puissance électrique pourrait être construit aux alentours de 2030 dans le cadre d’un projet international (ALLEGRO). Des verrous technologiques difficiles sont à lever comme la résistance des matériaux aux hautes températures, celle du combustible aux taux de combustion élevés.
© CEA

Il a été confirmé que l’on pouvait transmuter l’américium : une cible d’américium a été fissionnée (donc transmutée) à 94 % dans une expérience avec les neutrons rapides de PHENIX. Bien que PHENIX soit maintenant arrêté, les données accumulées dans les expériences effectuées constituent une source unique d’informations, précieusement conservées et analysées. L’incorporation de curium dans des matériaux nucléaires, en vue d’une transmutation dans des réacteurs rapides nécessiterait de modifier l’ensemble du cycle.

Trois options sont ouvertes à long terme : les réacteurs à neutrons rapides (RNR) refroidis soit au sodium, soit au gaz, les systèmes ADS pilotés par accélérateur, et les réacteurs à sels fondus fonctionnant avec un combustible mixte thorium-uranium 233. Dans ces derniers, les actinides introduits dans les sels fondus y demeureraient jusqu’à être complètement brûlés.

Seuls les réacteurs rapides refroidis au sodium bénéficieraient de l’expérience acquise avec PHENIX et SUPERPHENIX. Les préférences du CEA vont vers l’un des concepts de réacteurs de quatrième génération, les réacteurs rapides au gaz. Un rapport récent de la Commission Nationale d’Evaluation (CNE) relève que rien ne permet de rejeter « les ADS au motif qu’il existe des verrous technologiques, alors qu’il n’est pratiquement rien dit sur les verrous technologiques de la filière innovante des RNR-gaz ». La perspective séduisante des réacteurs à sels fondus est également lointaine.

Myrrha : un projet ADS européen
MYRRHA (Multi-purpose Hybrid Research Reactor for High-tech Applications) est un projet communautaire développé au laboratoire de Mol en Belgique. Son objet est notamment de servir de base à la démonstration expérimentale de la transmutation par un ADS. Il sera constitué d’un accélérateur fournissant un courant de protons de 5 milliampères et de 350 MeV d’énergie, associé à une cible de spallation liquide plomb-bismuth couplée à un réacteur sous critique à neutrons rapides et refroidi au plomb-bismuth. Initié en 1997, MYRRHA est prévu pour fonctionner à pleine puissance en 2025.
© SCK-CEN

La route est encore longue et des choix critiques restent à faire pour ce qui est des réacteurs, du mode de recyclage, des combustibles et des cibles. Pour réaliser la transmutation à l’échelle industrielle, d’autres outils que le réacteur PHENIX seront nécessaires, les réacteurs de Génération IV ou les réacteurs ADS (Accelerator Driven Systems pilotés par accélérateurs. Le peu d’expériences dont on dispose imposera le moment venu de construire des « démonstrateurs » de tailles suffisantes.

Une forte volonté des acteurs et surtout des gouvernements, sera nécessaire pour mener à bien la tâche. Un démonstrateur comme le projet MYRRHA pourrait être construit vers 2025. Compte tenu des délais de mise au point de ces nouveaux systèmes et de la vérification qu’ils peuvent transmuter de grandes quantités d’actinides mineurs, la transmutation à l’échelle industrielle est envisageable au mieux en 2040.

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