LARADIOACTIVITE.COM

Une base de connaissances grand public créée et alimentée par la communauté des physiciennes et physiciens.

Un accord historique

L’accord signé le 14 juillet 2015 entre l’Iran et les grandes puissances, aurait du régler la question du nucléaire iranien. Pour que l’accord prenne effet, l’Iran devait au préalable démanteler une partie de ses installations. Début 2016, l’AIEA (Agence Internationale de l’Énergie Atomique), chargée de vérifier le respect de ces engagements, avait conclu que Téhéran les avait tenus. Le rapport de l’AIEA donnait le feu vert à l’application complète de l’accord historique conclu en juillet, entrainant le 16 janvier 2016 la levée des sanctions internationales, immédiate pour l’Union Européenne, progressive pour les États-Unis.

Selon les termes de l’accord, le programme nucléaire iranien civil était réduit à peu de choses. Il s’agissait pour les grandes puissances de garantir que les installations iraniennes ne puissent être détournées en vue de la fabrication d’une arme atomique. Ce programme civil était, malgré les craintes qu’il inspirait, peu développé. Par exemple, les 15 tonnes d’uranium enrichi accumulées à Natanz, n’aurait pu alimenter que durant 8 mois l’unique réacteur de Busher. L’origine de ce programme civil résultait de l’isolement dont le pays était l’objet depuis des décennies du fait des sanctions et embargos. Il permit le développement de compétences et d’un savoir-faire. Une fois l’isolement rompu, un développement du nucléaire civil devait se poursuivre, comme l’indiquait la commande de deux nouveaux réacteurs à la Russie.

Le sort de ce programme civil était peu de choses en comparaison des avantages que la population iranienne espérait tirer de la fin des sanctions et de l’ouverture au monde. Les sanctions lui avaient surtout apporté de la misère. Tout ceci a été annulé, après que l’Administration Trump ait déchiré l’accord en 2017.

Source : Iran nuclear deal: Key details (BBC 16/01/2016)

Iran : accord sur le nucléaire
L’accord du 14 juillet 2015 doit beaucoup au Secrétaire d’État américain John Kerry et au Ministre des Affaires Étrangères Iranien Mohammad Javad Zarif. Ils en furent les principaux artisans et la cheville ouvrière. Il doit beaucoup aussi à la modération et à la recherche du dialogue du Président Hassan Rohani. À travers la poignée de main chaleureuse de deux hommes, il faut espérer que 36 années d’acrimonies passent dans l’Histoire.
© BBC

VOIE DE L’ENRICHISSEMENT DE L’URANIUM

Le stock d’uranium faiblement enrichi serait réduit à 300 kg (poids en composé UF6 ) soit de 98 %. Le niveau d’enrichissement devra être maintenu en dessous de 3.67%. Ces 300 kg, s’ils étaient enrichis à plus de 90 %, seraient insuffisants pour fabriquer une bombe. Le surplus du stock d’uranium faiblement enrichi qui s’élevait à environ 15 tonnes, avant la réduction, a été expédié en Russie en janvier 2016.

Par ailleurs également en janvier 2016 , l’Iran a radicalement réduit le nombre de ses centrifugeuses installées : de presque 20 000 à Natanz en 2015 à un maximum de 5060. Seules étaient permises les centrifugeuses IR1 les plus anciennes et les moins efficaces. La limitation était prévue pour durer 10 ans. Les recherches et développements auraient lieu uniquement à Natanz et limitées aussi à 8 ans.

Aucun enrichissement d’uranium ne serait autorisé à Fordo durant 15 ans, et l’installation souterraine convertie en un centre de recherches nucléaires, de physique et de technologie. Les 1044 centrifugeuses du centre produiraient des radio-isotopes utilisés pour la médecine, l’agriculture, l’Industrie ou la Science.

Natanz : Réduction des centrifugeuses
Selon les termes du traité du 14 juillet 2015, l’Iran devait réduire d’environ 20 000 à 5 000 le nombre de ces centrifugeuses installées à Natanz, sans pouvoir utiliser ses centrifugeuses IR2 les plus modernes et les plus efficaces ni dépasser la limite de 300 kg d’uranium faiblement enrichi. Les 1044 centrifugeuses installées au centre souterrain de Fordo ne pourraient être utilisées à l’enrichissement de l’uranium.
© DR

Après la sortie de l’accord par l’Administration Trump, l’Iran a repris l’enrichissement de l’uranium. En novembre 2020, le stock d’uranium faiblement enrichi atteignait 2,442.9 kg, 12 fois la limite prévue par l’accord, limite qui était proche de zéro (équivalente à quelques jours de combustible de réacteur nucléaire). L’augmentation restait sous la surveillance de l’AIEA.

Iran’s enriched uranium stockpile 12 times limit, says IAEA : BBC, 12 nov 2020

VOIE DU PLUTONIUM

L’Iran avait en construction, un réacteur à eau lourde près de la ville d’Arak. Le combustible usé des réacteurs à eau lourde contient du plutonium pouvant servir pour une bombe nucléaire. En raison de ce risque, les grandes puissances désiraient le démantèlement d’Arak. En novembre 2013, l’Iran avait déjà accepté de ne pas mettre en service le réacteur.

D’après l’accord, l’Iran acceptait de modifier la conception du réacteur pour qu’il ne puisse pas produire du plutonium de qualité militaire. Cette transformation se ferait avec la Chine. Tous les combustibles usés produits par le réacteur modifié devaient être sortis du pays.

L’essentiel des 20 tonnes d’eau lourde produites à ce jour ou en cours devait être expédiée aux USA, via un pays tiers. Environ 6 tonnes seraient conservées pour la production d’isotopes pour la médecine.

Selon l’accord de juillet 2015 (JCPOA), l’Iran n’taitt pas autorisé à construire d’autres réacteurs à eau lourde ni d’accumuler des excédents d’eau lourde durant les 15 prochaines années.

ARAK : Re-design du réacteur
Le réacteur d’Arak ne sera pas mis en service dans sa conception actuelle. Ce petit réacteur de 40 MWth utilisant l’uranium naturel comme combustible était associé à une unité de production d’eau lourde. L’installation d’eau lourde avait été mise en service, mais pas le réacteur. En principe, l’ensemble était destiné à produire des isotopes en particulier pour la médecine, mais détourné de ces objectifs il pouvait produire du plutonium de qualité militaire. Le cœur du réacteur sera transformé de façon qu’il ne puisse produire dans son combustible du plutonium de qualité militaire.
© BBC

PRÉVENIR DES ACTIVITÉS CACHÉES

L’Iran a été accusé d’activités cachées. L’Histoire tranchera si la menace nucléaire était psychose ou réalité. Le précédent des armes de destruction massive qui fut une des justifications de la guerre en Irak en 2003 incite à la prudence.

En 2007, un rapport des services secrets américains avait conclu que l’Iran avait eu un programme d’armes atomiques, mais l’avait arrêté en 2003. Lors de sa découverte en 2002, ce programme peu avancé, avait atteint le stade de la création d’une installation pilote à Natanz.

Selon le directeur de l’AIEA Yukiya Amano, et le rapport final de l’Agence publié en 2016, l’Iran aurait conduit jusqu’en 2003 des activités coordonnées pouvant conduire au développement d’un explosif nucléaire. Certaines de ces activités se seraient poursuivies jusqu’à 2009, mais après cette date il n’y avait plus d’indications crédibles de développements vers l’arme atomique.

L’accord prévoyait des dispositions pour empêcher le développement d’un programme militaire secret. De son côté, l’Iran s’est engagé à se soumettre à un régime extraordinaire et robuste de suivis, de vérifications et d’inspection. Les inspecteurs de l’AIEA, devaient suivre en continu les sites nucléaires iraniens et veiller à ce qu’aucune matière fissile ne soit déplacée furtivement vers un endroit secret pour faire une bombe.

Conformément à l’accord, l’Iran devait appliquer désormais volontairement le protocole additionnel au Traité de non prolifération (TNP) qui permet à l’AIEA d’avoir un contrôle approfondi des activités nucléaires par des inspections renforcées. L’ironie de l’Histoire veut que l’Iran avait déjà proposé en 2004 de signer un tel protocole : le Président Hassan Rohani était le négociateur iranien de l’époque ! Malheureusement les grandes puissances ne répondirent pas à cette ouverture. Le protocole additionnel ne fut pas ratifié. Les inspections continuèrent, mais réduites au minimum prévu par le traité de non prolifération.