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Agressions humaines : guerres, terrorisme, accidents

L’amélioration de la sûreté des installations nucléaires ne se réduit pas aux risques liés à la fission de l’atome. Il faut également prendre en compte des risques qui n’ont rien d’atomique. On l’a bien vu avec le tsunami qui a frappé Fukushima, un cataclysme naturel. Mais les agressions de la nature ne sont pas les seules à prendre en compte. Il y a aussi les agressions pouvant résulter d’accidents, de guerres et d’activités terroristes

Les parties sensibles d’une installation nucléaire, comme ces quatre dômes de cette centrale, occupent une surface petite au sol. La probabilité d’une chute accidentelle d’un gros avion est extrêmement faible. La centrale est située au creux d’une falaise, les bâtiments sont peu élevés. En cas d’attaque terroriste ils constitueraient une cible plus difficile à atteindre que les tours new-yorkaises du 11 septembre 2001.
© EDF/Marc Morceau

Risques de chute d’avion

Les risques de chute d’avion sur des installations nucléaires civiles ont été réévalués après le 11 septembre. L’étude de ces risques d’accidents distingue les trois catégories d’aviation retenues par la réglementation aérienne :1) l’aviation commerciale qui regroupe tous les avions de masse supérieure à 5,7 tonnes et qui compte 1 million de vols par an en France ; 2) l’aviation générale qui regroupe les petits avions de masse inférieure à 5,7 tonnes (avions d’aéroclubs et avions d’affaires) et qui compte 3,5 millions de vols par an ; 3) l’aviation militaire qui compte 600 000 vols par an en France.

La fréquence (majorée) de chute d’avion retenue pour la sûreté diffère sensiblement pour les 3 catégories : 1 sur 1 million pour l’aviation commerciale ; 1 sur cent mille pour l’aviation militaire ; 1 sur dix mille pour l’aviation générale. Pour une centrale nucléaire, on interdit sa construction à proximité d’un aérodrome, en portant une attention particulière aux zones d’approche et d’envol dans l’axe des pistes d’atterrissage et de décollage.

Les 20 000 m2 des parties sensibles d’une centrale sont minuscules comparés aux 550 000 km2 de superficie de la France. Compte tenu du rapport des surfaces (27 millions), des nombres de vols par an et des probabilités de chute par vol, la probabilité par an de chute sur une centrale est de quatre millionièmes. Elle est 40 fois plus petite pour l’aviation militaire et 400 fois pour l’aviation commerciale.

L’Autorité de Sûreté, qui ne considère que les probabilités d’accident supérieures à cent milliardièmes, néglige la chute d’un avion commercial dont la probabilité est inférieure à cette limite. A la suite d’études poussées de résistance aux chocs, les bâtiments les plus sensibles des réacteurs REP, comme l’îlot nucléaire, ont été dotés d’une structure renforcée leur permettant de résister à la chute de petits avions. Les barrières du futur réacteur EPR de troisième génération sont conçues pour protéger le cœur contre une chute de gros avion.

Risques de guerre …

Les risques liés aux actes de guerre sont bien tangibles. Étant donnée la précision des missiles modernes, il ne serait pas difficile de viser et de toucher lors d’un conflit les points névralgiques d’un réacteur ennemi. Lors de la guerre Iran Irak, les avions de Saddam Hussein bombardèrent un réacteur iranien. À la même époque, des avions israéliens détruisirent Osirak, un petit réacteur du même Saddam. Heureusement tous deux étaient en construction.

Les risques associés à une attaque de missile sont difficiles à parer. Remarquons seulement qu’en cas de nuage radioactif, l‘envoyeur serait également touché. Depuis la fin de la guerre froide, les risques de conflits ont beaucoup diminué. De nos jours les probabilités de guerre entre états dotés d’armes modernes sont petites mais elles sont beaucoup plus élevées que les millionièmes ou un milliardièmes estimés pour d’autres causes.

Au printemps 2022, la guerre survenue en Ukraine, illustra la fragilité des réacteurs en cas d’opérations militaires. Heureusement les puissances belligérantes mesurèrent alors les risques et une centrale,  la centrale ukrainienne de Zaporijjia échappa de peu aux combats qui épargnèrent la rangée de ses 6 réacteurs.

Mars-avril 2022 – guerre en Ukraine
La centrale nucléaire d’Enerhodar, occupée par les Russes, vue depuis l’autre rive du Dniepr et la ville de Zaporija, tenue par l’armée ukrainienne. La centrale, une des plus puissantes d’Europe, comprend 6 réacteurs du type VVER. Durant l’occupation, le personnel continua d’en assurer le fonctionnement et aucune fuite radioactive ne fut détectée. La plupart des unités furent arrêtées, à l’exception de une ou deux qui restèrent en service.
© Ouest-France – Anthony Fouchard

Le 26 février 2022, deux jours après le début de l’invasion, les troupes russes s’approchèrent de cette centrale nucléaire. Le , l’Agence internationale de l’énergie atomique fut informée de la prise de contrôle par la Russie de la zone entourant la centrale. Dans la nuit du , le site fut l’objet d’un bombardement qui ne toucha pas les réacteurs, mais qui entraina l’incendie d’un bâtiment administratif situé à 200 m du réacteur le plus proche. Au matin du , l’incendie était maitrisé et l’armée russe occupa la centrale.

16 mars  2022 : Sécurité et sûreté des installations nucléaires en Ukraine : un point sur les enjeux de sécurité et de sûreté depuis la prise de contrôle par les forces russes des centrales de Tchernobyl et de Zaporijia (Vidéo SFEN).

En août 2022, la centrale de Zaporijia suscita à nouveau des inquiétudes. Ukraniens et russes s’accusèrent mutuellement de bombarder les installations. Des troupes russes occupant le site y avaient accumulé armes lourdes et légères, que l’armée ukrainienne bombardait. En sens inverse, il est difficile d’imaginer  la Russie bombarder ses propres soldats, mais son artillerie répondait  à ces attaques. Jusqu’à ce jour, les belligérants évitèrent les 6 réacteurs et les entreposages de déchets, mais les multiples dégâts (confirmés par une visite de l’AIEA) aux alentours firent craindre d’inquiétants dérapages. De nombreuses instances  réclamèrent une démilitarisation de la zone.

Risques d’attaques terroristes.

A la suite des attentats du 11 septembre 2001, les risques liés aux actes de terrorisme sont souvent évoqués, par exemple avec la chute d’un gros avion sur des installations nucléaires civiles. Si la prise de contrôle d’un avion de ligne à des fins terroristes a été possible en 2001, c’est qu’elle était inimaginable à l’époque. De nos jours, elle est devenue virtuellement impossible en raison du contrôle devenu très strict des passagers. Par ailleurs, le dôme d’un réacteur qui ne s’élève pas beaucoup du sol serait une cible nettement plus difficile à atteindre qu’un gratte-ciel.

Contre les actes de terroristes ordinaires, les périmètres des installations nucléaires sont sur surveillance permanente. De multiples dispositifs de contrôles interdisent les intrusions dans les parties sensibles. La surveillance n’est pas parfaite. Le 5 décembre 2011, des militants de Greenpeace se firent une gloire de franchir plusieurs lignes de barbelés et d‘avoir agité un drapeau sur le toit du bâtiment réacteur de Nogent-sur-Seine.  Les militants étaient très loin d’avoir pénétré dans le saint des saints. On évita de leur tirer dessus. Mais l’intrusion posa question.

Voir aussi
2022 : guerre en Ukraine – centrale de Zaporijia