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Une suite d’erreurs et de violations de règles

L’accident s’est produit à l’occasion d’un arrêt du réacteur en dehors de son fonctionnement normal. Il avait été décidé de profiter d’un arrêt de maintenance planifié pour procéder à un test de l’alimentation électrique de secours. L’accident est survenu lors de ce test malencontreux. L’expérience avait pour objet de déterminer si le refroidissement du cœur pouvait être assuré en cas de perte de l’alimentation électrique.

En effet, après l’arrêt des réactions de fission, il faut continuer de refroidir le cœur du fait de l’important dégagement de chaleur des désintégrations radioactives. En cas de panne, l’inertie des volants de la turbine fournirait-elle encore assez d’énergie électrique aux pompes de circulation de l’eau de refroidissement en attendant le démarrage des groupes diesel de secours ? Des tests similaires avaient été réalisés en 1982, 1984 et 1985 mais les résultats n’avaient pas été concluants.

Le contexte et la journée du 25 avril 1986.

Le chargement du combustible des RBMK s’effectuant en continu, leurs arrêts sont de courtes durées. Lors d’un arrêt, la baisse de la puissance est progressive. Le 25 avril au matin, débute la procédure d’arrêt programmé. Mais le test est retardé d’environ 12 heures à la demande du centre de distribution électrique de Kiev : entre 13h et 23h, le réacteur est maintenu à la puissance moitié de 1600 MWth. Le temps dévolu au test se raccourcit, car le 1er mai est proche, mettant les équipes sous pression. Vers 23h, la réduction de puissance reprend.

A minuit, changement d’équipe de pilotage. La nouvelle équipe descend la puissance au dessous de 700 MWth, seuil au dessous duquel le réacteur entre dans une zone d’instabilité et devient difficile à contrôler. A 0h 28, le niveau de 500 MWth est atteint. Une tentative de stabilisation de la puissance à 500 MWth échoue, avec une chute brutale à 30 MWth. A ce stade, il convenait d’arrêter le réacteur pour 24 heures, le temps de laisser disparaître le xénon-135, un produit de fission qui empêche le redémarrage. Le test était sans enjeu autre que technique. Le temps venant à manquer, il aurait fallu y renoncer.

Un produit de fission, le Xénon-135 , très gourmand en neutrons, se comporte comme un poison pour la marche d’un réacteur. Lors d’un arrêt ou d’une baisse de puissance, le Xénon-135, s’accumule transitoirement dans le combustible. Il met un certain temps à disparaitre et gêne pendant plusieurs heures une remontée en puissance. Les opérateurs de Tchernobyl n’attendirent pas la disparition de ce poison après la chute brutale de puissance de la nuit du 25-26 avril. Pour remonter rapidement en puissance, ils retirèrent du coeur des barres absorbantes de neutrons rendant le pilotage du réacteur très difficile.
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L’engrenage du 26 avril

Néanmoins, les opérateurs décident de remonter la puissance afin d’effectuer l’essai prévu. Cet essai électrotechnique, concernant la partie non nucléaire de la centrale, n’avait été validé ni par le concepteur, ni par le Directeur Scientifique. Il n’y avait pas eu d’échange d’informations et de coordination appropriés entre l’équipe responsable de l’essai et le personnel chargé de l’exploitation et de la sûreté du réacteur. Le personnel d’exploitation n’avait pas été alerté des dangers potentiels en termes de sûreté.

A partir de cet instant commence l’engrenage fatal d’erreurs et de violations de sécurité qui conduisirent à l’accident. Pour remonter la puissance malgré l’empoisonnement au xénon, des barres de contrôle sont retirées : le nombre effectif de barres insérées tombe en dessous de la limite de sûreté . Vers 1 heure du matin, la puissance est remontée à 200 MW thermiques mais il n’y a presque plus d’absorbants dans le cœur. A ce stade l’état du réacteur n’est plus en conformité ni avec les conditions du test ni avec les règles de sûreté. Un peu plus tard, à 1h15, les opérateurs désactivent, pour continuer l’essai, des systèmes d’arrêt d’urgence et de refroidissement.

Les évènements s’accélèrent. A 1h:23:04 les vannes d’alimentation de la turbine en vapeur sont fermées provoquant une augmentation de la température dans le circuit primaire. Les barres de contrôle automatique sont retirées du cœur. La production de vapeur augmente considérablement pour devenir incontrôlable à 01:23:25. Le système automatique d’arrêt d’urgence étant désactivé, les opérateurs procèdent à l’arrêt manuel du réacteur à 01:23:40.

L’insertion des barres absorbantes de neutrons est trop lente. Un énorme à-coup de puissance survient 4 secondes plus tard, évalué à 100 fois la puissance nominale. L’impulsion de pression dans les tubes de force contenant les assemblages de combustible, provoque leur rupture en grand nombre (01:23:49). A 1h 24, c’est l’explosion du réacteur.

Les opérateurs de l’équipe du 26 avril 1986 étaient expérimentés, malgré leurs erreurs. Ils payèrent un lourd tribut. Un seul survit aujourd’hui des quatre membres de l’équipe. L’un d’eux mourut au bout de quelques semaines.

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