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Recherches sur l’entreposage de longue durée

Les recherches sur l’entreposage de longue durée constituent un des volets de l’axe 3 de la loi Bataille et de la nouvelle loi votée en juin 2006, le conditionnement constituant l’autre volet.

Les deux “volets” sont naturellement liés. Pour être entreposés en toute sécurité et pouvoir être repris au terme de cet entreposage, les colis doivent faire l’objet d’un conditionnement de la meilleure qualité.

Le CLAB suédois : un entreposage à faible profondeur
L’entreposage des combustibles usés et des déchets de haute activité est pratiqué dans de nombreux pays. L’originalité de ce site d’entreposage suédois, le CLAB, est d’être à faible profondeur. Les combustibles usés y sont entreposés sous eau. L’entreposage, prévu pour une trentaine d’années au maximum, fait l’objet d’une surveillance importante. Avec les entreposages de beaucoup plus longues durées dont il est question, le problème se pose de la bonne conservation des installations. On ne pourrait plus compter aussi sur un suivi de la même qualité.
© SKB

L’entreposage est actuellement la règle aussi bien pour les combustibles usés que pour les déchets issus d’un retraitement. Peut-on prolonger ces entreposages des dizaines d’années, jusqu’à 100 ans, voire 300 ans, pour profiter de la diminution de la chaleur dégagée et de la radioactivité. De tels entreposages sont bien longs pour nos sociétés humaines. Ils devront être particulièrement sûrs.

Selon la Commission Nationale d’Évaluation, l’entreposage de colis de haute activité tel qu’il est pratiqué à La Hague « paraît répondre à toutes les exigences que l’on peut raisonnablement présenter. Il pourrait être prolongé sur une durée dont on ne saurait fixer l’ultime possibilité – peut-être soixante-dix ans ou cent ans – à condition de construire une aile supplémentaire à La Hague, dans une grande salle avec des sortes de plaques d’égout, les déchets se trouvant en dessous ».

L’entreposage sur des durées au-delà du siècle nécessiterait sans doute une surveillance permanente et de lourdes interventions de maintenance, voire une reconstruction périodique de l’entrepôt. Par ailleurs, il y a l’entretien des charpentes métalliques ; les industriels des bâtiments et travaux publics ne sont pas prêts à garantir des bétons au-delà de cent ans ; il y a l’inconnue de la stabilité sociale.

L’entreposage, si sa durée est raisonnable, offre l’avantages de diminuer l’importance des installations de stockage à construire, donne l’occasion de profiter du progrès des techniques et permet d’attendre l’arrivée des réacteurs capables de brûler certains déchets. En le prolongeant au delà du raisonnable nous lèguerions aux générations futures un fardeau qui nous vaudrait sans doute d’être voués par nos descendants aux gémonies …

Refroidissement par convection naturelle
Les combustibles usés et les déchets de haute activité sont chauds, même si la chaleur qu’ils dégagent décroît considérablement avec le temps. Lors d’un entreposage, il faut évacuer la chaleur dégagée. Sur de très longues durées et avec une surveillance réduite, on ne peut compter sur un refroidissement en piscine. On aurait recours à un refroidissement à sec, par convection naturelle. Les colis seraient empilés dans des puits. La circulation de l’air serait assurée de manière passive par un effet de cheminée.
© CEA

Quels matériaux seront nécessaires pour de telles installations ? Quelles infrastructures doivent être conçues ? Doivent-elles être construites en surface ou à faible profondeur (sub-surface) ? Comment en assurer la surveillance ?

Les ingénieurs et chercheurs du CEA disposent à Marcoule dans le Gard d’une installation (le CECER ou Centre d’expertise sur le conditionnement et l’entreposage des matières radioactives) qui leur permet d’étudier sur maquette le fonctionnement des galeries d’entreposage, la circulation de l’air et l’évacuation par convection de la chaleur dégagée par les colis, ou encore d’effectuer des recherches sur la durabilité des bétons.

La conception d’un entreposage de longue durée repose sur trois critères : Robustesse, réversibilité, passivité.
1) Robustesse : Assurer le confinement des matières radioactives malgré les séismes, les inondations, les intrusions humaines, le vieillissement des composants.
2) Réversibilité : Garantir l’intégrité des colis et la possibilité de les reprendre à tout moment.
3) Passivité : Compter sur la Nature et non sur l’Homme pour assurer le fonctionnement et minimiser les charges de surveillance léguées aux générations futures.

Des écologistes opposés au stockage des déchets, soutenus parfois par des politiques, proposent l’entreposage de longue durée comme alternative. Est-ce une solution sage ? Pourrons-nous léguer la maintenance et la surveillance de ces installations à de lointains descendants ? Que dirions-nous si nous devions entretenir des entrepôts datant de Louis XV ou de Napoléon III ?

Rappelons que l’entreposage des déchets de haute activité ne saurait se substituer à un stockage en profondeur où à la transmutation qui le précède. Selon le mot de Bernard Tissot, Président de la Commission Nationale d’Évaluation, « à trop se prolonger, le meilleur des entreposage devient le pire des stockages ».