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Une alternative : laisser le combustible dans l’état

Si l’on ne retraite pas, les assemblages de combustible irradié sont laissés dans l’état. Les pastilles d’oxyde d’uranium demeurent à l’intérieur des gaines qui les isolaient du contact de l’eau dans les réacteurs. Ces gaines sont en alliages de zirconium. Elles continuent d’assurer à moyen terme un excellent confinement de la radioactivité dans les piscines et silos où ces assemblages sont entreposés après leur sortie.

Pastille de combustible usé
Le combustible irradié est l’un des systèmes physico-chimiques les plus complexes qui soit. Les fragments de fission appartiennent à une quarantaine d’espèces chimiques. Ils perdent l’énergie résultant de la fission en bousculant les atomes du matériau sur quelques centaines de microns. Lors de son passage en réacteur, le combustible subit des transformations qui le laissent dans un état de déséquilibre latent. Cette coupe d’une pastille de combustible irradié montre les fractures provoquées par les fissions combinées avec des températures élevées.
©  Clefs CEA

La présence de plutonium rend le combustible laissé dans l’état plus radiotoxique que les déchets vitrifiés qui n’en contiennent pas : après une centaine d’années, le plutonium est responsable de 84 % de la radiotoxicité des assemblages destinés à être stockés en profondeur.

Les Etats-Unis ont choisi jusqu’à aujourd’hui de ne pas retraiter. Pour l’instant, les matières radioactives sont entreposées dans des piscines à proximité des centrales, depuis des dizaines d’années pour les plus anciennes.

Exemple de conteneur d’assemblages combustibles
Des conteneurs sont nécessaires pour l’entreposage à long terme ou le stockage des assemblages de combustibles usés. Barrière de confinement, le conteneur protège contre les agressions extérieures, les chocs lors des transports ; il facilite l’évacuation de la chaleur ; il permet la manipulation des combustibles. Pour renforcer la résistance à la corrosion et assurer une protection supplémentaire, il est prévu de placer les assemblages à l’intérieur d’étuis eux-mêmes contenus dans des super-conteneurs
© CEA

Mais qu’ils soient entreposés auprès des réacteurs ou ailleurs, les assemblages irradiés ne peuvent rester éternellement en piscine ou dans des silos. Certaines piscines sont déjà pleines. Le jour viendra où il faudra soit retraiter, soit trouver un site de stockage définitif. Comme dans le cas des déchets vitrifiés, on recherche une étanchéité qui puisse être garantie des milliers d’années. Les assemblages de crayons sont des structures fragiles. Pour les entreposer ou les stocker, il faut les placer dans des étuis apportant une barrière de confinement supplémentaire.

Les américains, qui ont été longtemps les plus avancés, ont eu le projet d’enfouir les déchets accumulés civils et militaires sous une montagne du désert du Nevada. Le projet de Yucca Mountain est maintenant abandonné pour des raisons en partie politiques.

Remplissage des piscines d’entreposages aux USA
Prévision établie en 2005 (L’évolution a depuis suivi la prévision) des capacités d’entreposage des combustibles usés auprès des réacteurs aux USA. Tous les réacteurs en exploitation – 103 au total – entreposent leur combustibles dans des piscines situées à proximité sous des licences accordées par la Nuclear Regulatory Commission (NRC). Certaines de ces piscines sont déjà complètement remplies et toutes devraient l’être en 2015. Certains exploitants ont également recours à un entreposage à sec.
© DOE – (Source : Energy Resources International and DOE)

Le stockage géologique direct des combustibles usés comporte des inconvénients. Leur masse est 20 fois plus importante que celle des déchets vitrifiés issus du retraitement. Ils sont beaucoup plus radiotoxiques à cause du plutonium, un élément dont les isotopes possèdent de très longue durées de vie. Ils chauffent bien davantage. Les installations de stockage seront donc beaucoup plus volumineuses et coûteuses. De plus, en cas de pénurie énergétique, la présence en leur sein d’un matériau le plutonium, dont un gramme équivaut à une tonne de pétrole, excitera les convoitises des générations futures (risque d’intrusion).

Certains experts considèrent qu’enfouir l’uranium avec le combustible irradié gaspille des ressources précieuses. Les réacteurs classiques n’exploitent que les 0.7 % d’isotope 235 présents dans l’uranium naturel, alors que le potentiel énergétique théorique encore exploitable dans un assemblage de combustible usé de 500 kg est équivalent à environ 10 000 tonnes de pétrole avec des réacteurs à neutrons lents. Il s’élèverait à plusieurs centaines de milliers de tonnes de pétrole avec des réacteurs surgénérateurs à neutrons rapides qui recyclent leur combustible. Dans l’hypothèse d’un nucléaire durable, la question n’est pas tant faut-il retraiter, mais quel est le meilleur moment et comment ?.