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CIGEO : grandes lignes d’un futur site de stockage

Géré par l’Andra, CIGEO (Centre industriel de stockage géologique) est le projet français de stockage profond pour les déchets les plus radioactifs : les déchets de haute activité (HA) et de moyenne activité à vie longue (MA-VL). Ces déchets sont issus de l’industrie nucléaire (traitement du combustible usé), des activités de recherche et, dans une moindre part, des activités militaires. Bien que la procédure soit très longue, la France est avec la Suède la nation la plus avancée pour le stockage profond des déchets.

L’activité beaucoup plus importante des déchets HA va de plusieurs  Gigabecquerels (GBq) à plusieurs dizaines de GBq par gramme. Bien que leur radioactivité soit considérée comme moyenne, les déchets MA-VL contiennent des quantités importantes de radionucléides à période radioactive longue. Leur niveau de radioactivité se situe, entre 1 million et 1 milliard de becquerels (GBq)  par gramme.

La durée des radioéléments présents dans les déchets est très variable, les périodes radioactives allant d’une trentaine d’années pour le césium-137 et le strontium-90 aux 2,15 millions d’années du neptunium-237. L’activité variant en raison inverse des durées de vie, plus un radioélément vit longtemps moins sa radioactivité est intense.

Le principe du stockage géologique mis en œuvre dans le cadre du projet Cigéo est d’isoler les déchets de la biosphère sur de très longues durées, le temps que leur radioactivité ait diminué à des niveaux non dommageables. Les déchets radioactifs seront isolés dans une installation de stockage construite à 500 m de profondeur au sein d’une couche d’argile imperméable, qui s’est formée il y a environ 160 millions d’années. La roche argileuse permettra de ralentir la migration des radionucléides, de telle manière qu’ils mettent plusieurs centaines de milliers d’années pour éventuellement atteindre la surface. Bien avant ces échelles de temps, elles auront perdu l’essentiel de leur radioactivité, et donc leur dangerosité.

Avant leur stockage, les déchets de haute activité sont incorporés à une matrice de verre en fusion qui piège les radioéléments. Les déchets ainsi vitrifiés sont enfermés dans des conteneurs en acier inoxydable, eux-mêmes placés dans des sur-conteneurs disposés dans des alvéoles de stockage creusées dans la roche. Ces alvéoles sont des cylindres de quelques dizaines de mètres de longueur aux parois revêtues de béton.

Vidéo de l’ANDRA

Présentation du principe de stockage des déchets dans le projet CIGEO

Stockage des déchets HA de haute activité
La zone réservée aux déchets vitrifiés de haute activité de type HA est divisée en modules indépendants. Chaque module contient plusieurs douzaines d’alvéoles de stockage (disposal cells). Les alvéoles sont desservies par des galeries d’accès perpendiculaires. L’écartement entre les alvéoles est calculé pour garantir une dissipation adéquate de la chaleur dégagée par les déchets. Une architecture semblable est prévue pour les assemblages de combustibles usés non retraités qui seraient enfouis.
© ANDRA

Les couches géologiques propices sont des ressources rares à utiliser au mieux. A l’avenir, il faudrait chercher à réduire le volume des déchets ultimes à stocker. Rappelons les recherches prévues par la loi concernant la séparation des éléments radioactifs et la transmutation de certains d’entre eux visent à ce but. Si la perspective de réacteurs rapides capables de brûler le plutonium est abandonnée, le plutonium des combustibles usés devra être considéré comme déchet, sachant qu’ils contiennent  10 fois plus de plutonium que d’actinides mineurs.

Des associations anti-nucléaires se mobilisent contre l’implantation du futur centre de stockage, suscitant la perplexité des scientifiques. L’objet d’un tel centre n’est-il pas de minimiser l’impact des déchets radioactifs pour les générations futures ? Que diront-elles si nous leur laisserons sur les bras nos colis les plus radioactifs ? L’entreposage à faible profondeur présenté par certains comme une alternative serait le meilleur moyen de laisser à nos descendants un tel héritage. Rappelons à ce propos le mot de Bernard Tissot, premier Président de la Commission Nationale d’Evaluation, « à trop se prolonger, le meilleur des entreposages devient le pire des stockages ».

Une longue procédure à venir …

En 1991, le Parlement s’est saisi de la question de la gestion des déchets radioactifs en votant la loi du 30 décembre 1991 dite « loi Bataille ». Cette loi a fixé les grandes orientations de recherche à mener sur la gestion des déchets radioactifs. Trois axes ont été retenus : la séparation et la transmutation, l’entreposage de longue durée (tous les deux confiés au CEA) et le stockage profond, confié à l’Andra.

En 2006, sur la base des résultats scientifiques, de leur examen par l’ASN et d’un débat public organisé en 2005, le Parlement a entériné le choix du stockage profond et a chargé l’Andra de concevoir un centre de stockage sur les départements de la Meuse et de la Haute-Marne (départements candidats pour l’accueil d’un laboratoire souterrain de recherche destiné à étudier la faisabilité d’un stockage profond).

Cette décision du parlement a été la première étape d’une rè longue procédure. A la suite du débat public de 2013, des dossiers techniques concernant la réversibilité du stockage furent établis. En 2016, une loi fut votée, précisant les caractéristiques de la réversibilité du projet Cigéo. Elle est définie comme « la capacité, pour les générations successives, soit de poursuivre la construction puis l’exploitation des tranches successives d’un stockage, soit de réévaluer les choix définis antérieurement et de faire évoluer les solutions de gestion

Dans le cadre de l’instruction du dossier, une enquête d’utilité publique s’est tenue entre le 15 septembre et le 23 octobre 2021 sous l’égide d’une commission d’enquête composée de 5 commissaires enquêteurs neutres et indépendants. Cette commission a rendu un avis favorable à la déclaration d’utilité publique. En juillet 2022, le projet Cigéo a ensuite été déclaré d’utilité publique par décret en Conseil d’État.

L’étape suivante est une “demande d’autorisation de création” (DAC) qui a été déposée fin 2022 auprès de l’Autorité de sureté nucléaire (ASN). L’instruction de cette demande devrait prendre au moins 3 ans. L’autorisation du projet au titre du code de l’environnement n’interviendrait donc pas avant 2025 et sera délivrée par décret en Conseil d’État. Elle autorisera le démarrage de la première tranche de CIGEO. Seule une autorisation de moise en service par l’Autorité de sureté nucléaire, à venir ensuite, permettra le stockage des colis de déchets radioactifs.

La construction du centre de stockage pourrait alors débuter en 2025. Les premiers colis seraient stockés à l’horizon 2035-2040, après un nouvel avis de l’ASN, à l’issue d’une phase industrielle pilote qui devrait durer de 15 à 25 ans.

Le centre serait construit dans une zone de 250 km², dite de transposition, à proximité du laboratoire de Bure pour bénéficier des conditions propices rencontrées, c’est-à-dire dans l’argilite du Callovo-oxfordien, à environ 500m de profondeur, en volume suffisant, homogène, dépourvu de faille, d’environ 2 km de côté et de quelques 200 mètres d’épaisseur.

Une très importante  installation qui s’étalera sur des dizaines d’années

Un tel centre de stockage représentera une très grosse installation dont la surface sera de 15 km². L’installation souterraine sera constituée d’alvéoles creusées dans la formation d’argilite, où seront déposés des conteneurs de déchets. Ces conteneurs sont constitués de colis comme ceux actuellement produits à l’usine de la Hague. Il n’est pas envisagé pour l’instant de modification des colis déjà produits.

Stockage des déchets de type MAVL
Le stockage des déchets de moyenne activité (MAVL) serait divisé en deux parties ou sous-zones, la première étant réservée à des colis contenant des matières organiques et la seconde à des colis n’en contenant pas comme les colis compactés. Cette distinction réduit les conséquences des altérations à long terme des matières organiques du fait des radiations (dégagement d’hydrogène).
© ANDRA

Les projets de l’ANDRA prévoient deux zones distinctes de remplissages pour les deux catégories. envisagées à ce jour de déchets à longue durée de vie, les déchets HA de haute activité et MAVL de moyenne activité à vie longue . L’éventuelle nécessité de stocker les combustibles usés ne relève pas d’une décision de l’ANDRA. Cette question dépend avant tout de la réutilisation, ou non, des matières valorisables (uranium et plutonium) contenues dans les combustibles, qui ne pourrait être remise en question que par le changement de la politique énergétique de la France, notamment en matière de cycle du combustible.

Les déchets MAVL pourront être stockés dés le démarrage de l’installation. Par contre, de façon à limiter la chaleur dégagée dans la couche argileuse, les déchets vitrifiés HA devront avoir été entreposés pour refroidir des années au préalable .

Les déchets seront stockés sur un seul niveau situé au milieu de la couche du Callovo-Oxfordien de façon à bénéficier de l’épaisseur maximum d’argilite imperméable au-dessus et au-dessous. Les cellules de stockages seraient des tunnels aveugles qui seront colmatés après remplissage. Les puits d’accès sont regroupés sur un côté. Les zones de remplissages et l’architecture générale des installations sont configurées en cul-de-sac. Les alvéoles sont disposées de façon à limiter la température des roches au contact des cellules à moins de 100°C. Ceci conduit à espacer les cellules de déchets de haute activité qui dégagent de la chaleur.

Les alvéoles de remplissages seraient regroupées en modules indépendants pour des raisons de sûreté. Ce découpage facilite la gestion du site et son évolution, un module pouvant être rempli tandis qu’un autre est en construction en tirant profit de l’expérience acquise. Il faut garder en mémoire que la construction d’un tel ouvrage et son remplissage s’étaleront sur des dizaines d’années durant lesquelles la nature, le volume des déchets à enfouir évolueront éventuellement, du fait des progrès technologiques.

Evolution du remplissage
Les ouvrages souterrains du centre de stockage Cigéo sont déployés progressivement. Les ouvrages dédiés au stockage des colis sont implantés dans la couche argileuse du Callovo-Oxfordien à une profondeur d’environ 500m. Le déploiement progressif des ouvrages souterrains, par tranches, c’est-à-dire par groupes d’ouvrages, se fera sous réserve d’autorisations spécifiques progressives.
© ANDRA

Lors de la fermeture, les alvéoles seront scellées. Des tests de scellement avec de la bentonite sont en cours. La bentonite est un type d’argile ayant la faculté de gonfler au contact de l’eau. En gonflant, la bentonite va appliquer une pression sur les parois des galeries, contribuant à occuper les vides et boucher les fissures de la roche.


Videos de l’ANDRA

Visite virtuelle du laboratoire de Bure (la visite virtuelle permet de découvrir le Laboratoire en images réelles et les recherches qui y sont menées) : voir.

Sources :
ANDRA : Site Cigeo
Dossier CIGEO : RGN mai-juin 2016