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Séparation des déchets nucléaires : une chimie chaude

La difficile séparation des actinides mineurs
La séparation des actinides nécessiterait plusieurs étapes. L’extraction du neptunium (Np) demanderait seulement une adaptation du procédé industriel PUREX. Pour l’américium (Am) et le curium (Cm), il faudrait d’abord les séparer conjointement avec des produits de fission appartenant à la classe des lanthanides (procédé DIAMEX). L’étape suivante (procédé SANEX) consisterait à extraire les deux actinides mineurs des lanthanides, 50 fois plus abondants, puis on séparerait l’américium du curium.
© CEA (source Clefs CEA N°53/Dominique Boullis)

La séparation poussée va au delà de la séparation de l’uranium et du plutonium pratiquée industriellement depuis 40 ans grâce au procédé PUREX. Une telle séparation relève de la radiochimie, une branche de la chimie qui implique le traitement des matières très radioactives et demande une radioprotection renforcée. Cette chimie chaude, coûteuse et délicate, se justifie si elle aboutit à des gains substantiels dans la gestion des déchets. En raison de leur coût, ces recherches difficiles n’auraient pu démarrer sans la démarche volontariste des pouvoirs publics dont la France a eu la chance de bénéficier.

Les éléments radioactifs auxquels s’adresse la séparation poussée sont actuellement trois produits de fission, iode, technétium et césium, et trois actinides mineurs, neptunium, américium, curium, appelés ainsi car présents en faibles quantités.

La recherche a d’abord été fondamentale étant donné que l’on connaissait peu de choses de la chimie des actinides. Il a fallu préciser les propriétés physiques et chimiques des éléments concernés, découvrir les mécanismes à même de les extraire au sein de solutions très radioactives.

Le temps de la recherche appliquée a succédé aux démonstrations du principe avec des essais de procédés sur des combustibles réels et des essais de «démonstration» presque en vraie grandeur. Des installations lourdes comme ATALANTE à Marcoule ont permis de définir des procédés de techniques de séparation, avant la démonstration de leur faisabilité technique.

Lanthanides contre actinides
Les fragments de fission les plus lourds appartiennent à la famille des lanthanides (en vert sur la courbe de répartition des abondances). Dans le tableau de Mendeleiev, les lanthanides qui vont du  lanthane au lutétium possèdent des propriétés chimiques très voisines. De plus les lanthanides ont des propriétés chimiques voisines avec une seconde famille présente dans les combustibles usés, les actinides : uranium, plutonium, neptunium, américium et curium. La séparation de ces derniers d’avec les lanthanides est donc difficile.
© IN2P3

Le principal objectif des recherches est la séparation des actinides mineurs. La séparation du neptunium pourrait être mise en œuvre avec des modifications mineures du procédé PUREX. Toutefois cet actinide mineur est le plus abondant mais le moins radioactif. Il n’est pas celui qui pose le plus de problèmes dans la gestion à long terme des déchets.

L’accent a été donc mis sur la séparation des deux actinides restants, l’américium et le curium. L’extrême diversité chimique des produits de fission également présents dans les solutions à traiter est source de difficultés. Certains, qui appartiennent à la famille des lanthanides, possèdent des propriétés chimiques extrêmement proches des actinides tout en étant jusqu’à 50 fois plus abondants. L’option actuellement privilégiée consiste à procéder en deux temps : séparer d’abord les actinides mineurs et les lanthanides des autres produits de fission (procédé DIAMEX) ; séparer ensuite l’américium et le curium des lanthanides dans des conditions chimiques appropriées (procédé SANEX).

Atalante : mélangeurs et décanteurs
La “Chaîne blindée procédé” de l’installation ATALANTE a démarré en 2004 une série d’expérimentations pour démontrer la faisabilité technique de la séparation poussée des actinides mineurs. Pour cela, l’installation a reçu 15 kg de combustibles irradiés. Dans un premier temps, l’uranium et le plutonium sont séparés et récupérés séparément, puis les lanthanides et les actinides mineurs et enfin l’américium et le curium. On voit ici une batterie de mélangeurs-décanteurs utilisant de molécules extractantes pour les cycles d’extraction.
© P.Stroppa/CEA

Les recherches sur la séparation sont pilotées en France par le CEA, dans le cadre de l’axe 1 de la loi. Le CNRS et les Universités y participe également activement avec le programme de « Physico-chimie des actinides et des radioéléments en interface et solution » (PARIS ). Au niveau européen, les recherches sont regroupées aux seins de Programmes communautaires de Recherche et Développement (PCRD) avec les réseaux Newpart, Partnew, Europart, Calixpart, Pyrorep, ACTINET. Ailleurs dans le monde, tous les grands pays atomiques, Japon (JNC–JAERI), la Russie (IPC Moscou-MINATOM), et les États-Unis (Argonne National Laboratory) sont actifs.

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