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Une poignée d’éléments coriaces mais peu radioactifs …

Plus un noyau vit longtemps, moins il est radioactif. Cette vérité de Lapalisse est souvent oubliée mais tel est bien le cas des produits de fission à vie longue, des éléments dont les durées de vie sont de l’ordre de la centaine de milliers, voire du million d’années (on parle de vie longue pour la gestion des déchets radioactifs au-delà de 30 ans de période radioactive). Ces produits de fission, qui représentent environ 6 % du total, sont surtout gênants parce qu’ils mettent longtemps à disparaître. Il convient de noter qu’une très longue durée de vie n’est pas un inconvénient majeur dans la mesure où elle est compensée par une très faible radioactivité.

Des atomes peu radioactifs
L’inventaire de la radiotoxicité d’un combustible irradié montre que la contribution des produits de fission décroît assez rapidement – tout est relatif – jusqu’à environ 600 ans. A cette date, les produits de fission comme le cesium-137 et le strontium-90 dont les périodes sont de 30 ans ont laissé la place à une poignée de radioéléments à périodes très longues. Les activités variant en raison inverse des périodes, ces produits de fission contribuent peu à la radioactivité et encore moins à la toxicité. C’est ainsi que leur toxicité représente moins de 0,5 % de celle du minerai d’uranium initial et moins de 1 cent millionième de la radiotoxicité initiale des déchets.
© Source Clefs CEA

À partir d’une centaine d’années, l’activité présente dans le combustible usé d’un réacteur chute avec la disparition des éléments à vie moyenne. Au bout de 500 ans, la part des produits de fission ne représente plus qu’un millième de celle du plutonium et des actinides mineurs. Cette activité n’est plus qu’un cinquante millième de ce qu’elle était au moment de la décharge du réacteur.

Après avoir énormément décru pendant les 500 premières années, la radioactivité des produits de fission atteint un palier qui durera des centaines de milliers d’années, c’est-à-dire le temps nécessaire aux éléments à vie longue pour disparaitre à leur tour. Au cours de ce laps de temps, à peu près aussi long que l’ère quaternaire, l’activité des produits de fission ne comptera que pour quelques millièmes ou quelques centièmes de celles des actinides, dont l’activité aura aussi beaucoup diminué.

Ce résidu de radioactivité de produits de fission est dû à une poignée d’éléments à vie longue. Les principaux membres de ce carré d’irréductibles sont le technétium-99, le césium-135, l’iode-129, le palladium-107 et le zirconium-93. Le zirconium et le palladium sont chimiquement peu mobiles, ce qui laisse comme gêneurs potentiels le césium, l’iode et le technétium. Ces éléments sont plus mobiles que les actinides. L’iode-129 et le césium-135 sont connus pour leur propension à quitter les structures chimiques où l’on cherche à les retenir prisonniers et leur tendance à se propager dans l’environnement.

Le technétium-99 est le principal élément de ce trio, car le plus abondant et le plus actif sa période de 215 000 ans étant la plus courte. Il est possible de le détruire par transmutation, la capture d’un neutron aboutissant en quelques minutes à le transformer en noyau stable. Cette réaction nucléaire, qui nécessite un retour en nucléaire, est toutefois difficile à réaliser avec un bon rendement.

L’iode-129 est plus toxique en cas d’ingestion, mais sa période de 15,7 millions d’années est très longue il est très peu actif. A titre de comparaison, il est 240 millions de fois moins actif que son compagnon à vie courte et de sinistre mémoire, l’iode-131 qui fut à l’origine de cancers de la thyroïde près de Tchernobyl.

Les effets de Césium-135 s’apparentent à ceux du césium-137 (le principal legs de radioactivité à Tchernobyl 20 ans après), mais sa période étant de 2,3 millions d’années, son activité est 77 000 fois plus faible du fait du rapport des périodes radioactives.

Inventaire des principaux produits de fission à vie longue
Masses des produits de fission à vie longue générés annuellement dans le combustible d’un réacteur conventionnel à eau pressurisé ayant subi une combustion standard de 33 Gigawatt-jours. Ces quantités sont ramenées à une tonne et aux 23 tonnes de la consommation annuelle d’uranium. La table rappelle les périodes radioactives de ces éléments ainsi que leur facteur de dose, estimateur de leur toxicité potentielle en cas d’ingestion.
© Source clefs CEA N°46 et rapport CNE 2003

Les dangers présentés par ce dernier quarteron d’éléments coriaces sont minimes.Il existe des projets pour transmuter, après retraitement, des éléments comme le technétium. Ceci montre les avancées réalisés pour l’élimination des déchets .

Un peu de futurisme pour terminer cette page. Imaginons que d’ici une centaine d’années, nos descendants décident de se débarrasser des produits de fission à vie longue en les expédiant au delà du système solaire, et qu’ils aient réuni la production de technétium des 60 centrales françaises pendant 10 ans dans un colis de 11 tonnes. Imaginons que, par malheur, la fusée emmenant ces 11 tonnes termine sa course dans un lac de montagne d’un kilomètre cube de volume dans lequel tout ce technétium s’est dissous. Quel serait l’impact de ce désastre ? Le calcul montre qu’il faudrait boire environ un mètre cube de l’eau de ce lac pour subir une exposition égale à celle d’un an d’exposition à la radioactivité naturelle.

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