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Enrichir l’uranium à 20 % sous une montagne à l’abri des bombes !

L’usine souterraine d’enrichissement de Fordo constitue, avec l’accès au complexe de Parchin, l’un des deux principaux points d’achoppements des discussions entre l’Iran et les puissances occidentales sur le nucléaire.

Fordo, situé a proximité de Qom, la ville sainte du chiisme, est le nom de l’installation d’enrichissement construite à grande profondeur par Téhéran pour échapper à d’éventuels bombardements. L’uranium y est enrichi à 20% en uranium-235. Si l’enrichissement était poursuivi à 90%, la teneur requise pour une bombe serait atteinte.

L’uranium enrichi aux environs de 20% sert de combustible à de petits réacteurs, notamment pour la production d’isotopes à des fins médicales. Les besoins sont modestes en termes de kilogrammes mais réels. L’Iran étant sous embargo américain depuis une trentaine d’années, le renouvellement de sa charge de combustible pour le réacteur médical de Téhéran lui a été refusé par les américains.

Progression de l’enrichissement à 20 %
Evolution du nombre de centrifugeuses installées à Fordo (à gauche). Seul un tiers était en fonctionnement au mois d’août 2012. Les centrifugeuses sont d’un modèle pakistanais ancien et peu efficace. A droite, évolution du stock total d’uranium enrichi à 20%. Les 189,4 kilogrammes enrichis à 20 % fin août 2012 jour sont à comparer aux 30 tonnes de la recharge de combustible annuelle d’un réacteur REP enrichi à 4%.
© Source : International Atomic Energy Agency et New York Times

 

Un rapports d’août 2012 de l’Agence internationale de l’énergie atomique décrit comment l’Iran pendant l’été doubla le nombre de centrifugeuses installées en profondeur sous la montagne près de Qom. Les inspecteurs internationaux rapportèrent que le pays avait installé les trois quarts des centrifugeuses nucléaires prévues dans ce site souterrain pour la production de combustible nucléaire. L’Iran continuait à permettre l’accès de Fordo aux inspecteurs de l’AIEA, afin de vérifier qu’il ne produitsait pas d’uranium de qualité militaire.

Selon les chiffres livrés par l’AIEA , l’Iran avait fini d’installer en novembre 2012 les dernières centrifugeuses prévues, portant à 2.784 centrifugeuses installées à Fordo, sans toutefois augmenter le nombre des centrifugeuses en fonctionnement. A cette date, le pays avait produit au total 7.611 kilos d’uranium enrichi jusqu’à 5% et 232,8 kilos jusqu’à 20%,

Ces quantités rappellent que l’enrichissement de l’uranium est une technique difficile. Depuis janvier 2012, chacune des 696 centrifugeuses en opération a produit environ 300 grammes d’uranium à 20 %, soit à peu près un gramme par jour.

Un diplomate résuma les exigences occidentales concernant Fordo en ces trois mots : Stop, shut and ship. Les iraniens adeptes de subtiles parties d’échec ignorèrent cette injonction.

Arrêter la production (Stop) ? Les embargos et sanctions qui contraignaient l’Iran à l’autarcie expliquent cette production. Fermer l’installation (shut) ? Sans les menaces de bombardements , il n’y aurait pas eu à construire une installation à grande profondeur pour éviter de constituer une cible. Expédier l’uranium enrichi hors d’Iran (ship) ? Dans un climat d’hostilité et de méfiance réciproque, comment garantir que la précieuse marchandise ne serait pas subtilisée ?

A ceci s’ajouta des indications d’actions de sabotage. En Janvier 2009, le New York Times avait rapporté que le président George W. Bush, à la fin de son second mandat, avait autorisé un programme visant les systèmes électriques et informatiques et d’autres réseaux . L’Administration Obama semble avoir poursuivi le programme. Ainsi, M. Fereydoun Abbassi qui dirigeait l’Organisation de l’énergie atomique de l’Iran échappa lui même de justesse à un assassinat dans sa voiture, avant sa nomination.

Lundi 17 septembre 2012, M. Abbasi révéla à l’AIEA que deux explosions avaient visé les alimentations électriques des deux installations d’enrichissement d’uranium, dont celui de Fordo le plus invulnérable aux bombardements. L’une des attaques eut lieu le 17 août, la veille de la visite d’inspecteurs internationaux de l’AIEA pour une visite surprise de Fordo. Les lignes électriques du site furent coupées à l’aide d’explosifs (une panne de courant est un moyen d’infliger des dommages aux centrifugeuses).

La situation s’est détendue depuis l’accord intérimaire de Genève de novembre 2013. l’Iran a accepté de transformer la moitié de ses 200 kilos d’uranium à 20% en uranium à 5% et l’autre moitié en combustible pour son réacteur médical de Téhéran. Le 17 avril 2014, l’AIEA constatait dans son rapport mensuel que l’Iran avait réduit de 75% son stock d’uranium enrichi à 20%, continuant ainsi à respecter le gel temporaire d’une partie de ses activités nucléaires.

Selon l’accord sighé à Lausane le 2 avril 2015, l’Iran convertira ses installations de Fordo en un centre de recherche de physique et de technologie nucléaire. et n’y enrichira pas d’uranium pour au moins 15 ans. La poursuite de l’enrichissement dans un site souterrain ne se justifie plus si comme on peut l’espérer à la suite de cette accord , les menaces d’options militaires sont abandonnées.

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