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Des activités fruits d’un long isolement ?

Trente ans d’embargo et d’isolement ont contraint l’Iran de compter sur lui-même, Dans le domaine du nucléaire civil, il a recherché l’autonomie, développant les étapes de l’amont du cycle qui vont de la mine d’uranium à l’élaboration du combustible pour un réacteur : extraction de minerais d’uranium, purification et conversion, enrichissement, et enfin confection d’éléments de combustible.

Ces étapes, légitimes s’il s’agit de nucléaire civil, ont été considérées avec suspicion, voire comme des provocations comme celles cruciales de la conversion et de l’enrichissement en uranium-235.

L’Iran ne maîtrisant pas encore en 2009-2010 la confection d’éléments de combustible, il fut question alors d’un échange d’une tonne d’uranium faiblement enrichi produit à Natanz contre des éléments de combustible à 20 % pour un réacteur de Téhéran destiné à la médecine Cette amorce de coopération qui rompait le cercle vicieux des méfiances réciproques a échoué. L’échec conduisit Téhéran à enrichir quelques dizaines de kilogrammes à 20 % et à tenter de fabriquer lui même son combustible. En décembre 2011, l’Iran annonça avoir maitrisé l’ultime étape de la fabrication de combustible pour son réacteur de recherche. Après l’accord provisoire signé à Genève à la fin de 2013, l’Iran détruisit d’après l’AIEA, par dilution, l’excédent d’uranium à 20 % dont il disposait.

La recherche d’une autonomie
Le souci de ne pas dépendre de partenaires hostiles ont conduit l’Iran à rechercher l’autonomie pour ses activités nucléaires et à développer lui-même les étapes de l’amont du cycle qui vont du minerai d’uranium à l’élaboration du combustible. Le 5 décembre 2010, l’Iran a réussi à produire son premier yellowcake (concentré d’uranium servant de base à la production d’uranium enrichi) à partir de minerai extrait de la mine de Gachin. alors qu’il devait importer auparavant le minerai d’uranium. La dernière étape de fabrication d’éléments combustibles pour le réacteur de Téhéran était dite imminente.
© IN2P3

Au demeurant les quantités en jeu sont faibles. Fin 2010, les centrifugeuses de Natanz n’avaient enrichi qu’un peu plus de 3 tonnes à 3,5% : pas de quoi alimenter le nouveau réacteur de Bushehr dont le combustible est russe. A titre de comparaison, la France enrichit près de 2000 tonnes par an pour alimenter ses 58 réacteurs.

Le 9 juin 2010, le conseil de sécurité a adopté un nouveau train de sanctions. Ces sanctions ont été durcies hors ONU par les américains imités par l’Union Européenne. Il s’agissait de faire plier le régime et de l’amener à négocier en s’attaquant à l’économie du pays (pétrole, banques) grâce à des sanctions qui affectent la population. La décision en décembre 2011 du président Obama de s’en prendre directement aux exportations de pétrole, principale source de la richesse, a surtout apporté de la misère. L’Europe a suivi et l’embargo pétrolier a pris effet en juillet 2012. Que penser d’une politique visant à étouffer l’économie et touchant principalement une population innocente ? Le régime pliera-t-il devant le diktat ? Sera-t-il renforcé ? Les blocus soudent généralement les nations !

La crise illustre combien les risques de prolifération iront croissant du fait des progrès technologiques. Le seul moyen de combattre efficacement à long terme cette évolution est de convaincre les pays qui atteignent le savoir faire requis qu’ils ne sont pas menacés et que la recherche d’une dissuasion par l’arme atomique est inutile et coûteuse. Cette aggravation des sanctions qui creuse davantage l’abîme de méfiance et les paranoïas mutuelles, va hélas en sens inverse.

Que faire de l’uranium enrichi ?
Fin 2010, les centrifugeuses de Natanz avaient enrichi un peu plus de 3 tonnes à 3,5%, loin des 20 à 30 tonnes annuelles nécessaires pour alimenter un réacteur comme celui de Bushehr : 8000 étaient installées, dont un certain nombre inactives, alors qu’il en faudrait 50000 ! Par contre, la quantité était suffisante, en enrichissant à 20%, pour le petit réacteur producteur d’isotopes médicaux !
© IN2P3

Le programme nucléaire iranien est-il civil ? La révélation de l’existence de ce programme remonte à 2002, quand un dissident iranien révéla l’existence d’une installation souterraine à Natanz destinée à l’enrichir de l’uranium. L’Iran renouait avec des activités suspendues depuis l’époque du Shah pour qui l’enrichissement de l’uranium devait accompagner un programme ambitieux de réacteurs. A la suite de ces révélations, l’Iran se soumit aux inspections de l’AIEA conformément au traité de non prolifération et envisagea en 2003-2004 de ratifier le protocole additionnel de ce traité qui permet des inspections renforcées et inopinées.

Depuis 2002, l’Iran est accusé de dissimuler un programme militaire. Pourtant, tous les dirigeants iraniens ont affirmé que les activités nucléaires étaient uniquement civiles, y compris le président Ahmadinejad devenu célèbre par ses provocations verbales. Il faut remarquer que depuis la révélation de 2002, il n’y a pas eu de révélations ou de défections spectaculaires faisant état d’une dimension militaire, malgré la forte opposition au régime qui se manifesta particulièrement en 2009.

Enfin, remarquons que l’enrichissement de l’uranium requiert une technologie de pointe difficile à mettre au point. Si l’Iran avait voulu la bombe, il lui aurait été beaucoup plus rapide de faire comme la Corée du Nord, qui a produit son plutonium de qualité avec un petit réacteur … hors de tout contrôle.

Cela ne veut pas dire que la tentation d’une dissuasion nucléaire n’existe pas en raison des menaces . La France a suivi cette voie à l’époque du Général de Gaulle et de la Guerre Froide.

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