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Des soupçons anciens d’activités dissimulées ?

La dissimulation pendant 18 ans d’activités nucléaires non déclarées constitue, avec la poursuite du programme d’enrichissement de l’uranium, un des principaux griefs de l’Occident contre l’Iran. Leur révélation en 2002 a déclenché la crise actuelle. Ces activités servent à justifier une politique de sanctions. La nature de ces accusations, est rarement précisée. Quelles sont ces activités non déclarées ? Quelle est leur gravité ?

Du temps du Shah, l’Iran s’était lancé dès 1972 dans un ambitieux programme de réacteurs qui incluait la technologie l’enrichissement de l’uranium. La révolution de 1979 et la guerre déclenchée par l’Irak interrompent ce programme que l’Iran relance au milieu des années 1980.

Du fait de l’embargo américain dont il est l’objet depuis la crise des otages de 1979, l’Iran rencontre de nombreux obstacles. Ses efforts pour achever la centrale nucléaire de Bushehr échouent. Il n’arrive pas à acquérir des réacteurs de recherche ainsi que les technologies du combustible nucléaire.

De l’embargo au marché noir
Fondée sous le régime du Shah Reza Palhavi, l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA) conclut à partir de 1972 plusieurs contrats avec des compagnies allemandes, américaines, françaises et anglaises, en vue de se doter de réacteurs électronucléaires et d’acquérir un large éventail de services relatifs au cycle du combustible nucléaire en participant notamment au projet EURODIF. Après la révolution de 1979, ces contrats, d’une valeur totale d’environ 10 milliards de dollars, ne sont pas honorés. Pour contourner l’embargo américain, l’Iran recourt au marché noir.
© AEOI

 

 

Premières centrifugeuses au marché noir

L’Iran décide de recourir au début de 1987 à la voie de l’ultracentrifugation pour enrichir l’uranium. La décision aurait été avalisée sans implication ni participation militaire. L’Iran reçoit alors une offre pour des centrifugeuses de type P1 du réseau international de prolifération d’A.Q. Khan, le « père » de la bombe nucléaire pakistanaise.

Les années 1987 à 1993 sont consacrées à des recherche et développements sur la compréhension du comportement des centrifugeuses, leur assemblage et la production locale de composants. La technique est difficile car les rotors des centrifugeuses doivent pouvoir résister en continu à des vitesses de rotation très élevées qui nécessitent des matériaux spéciaux et de haute qualité.

En 1993, le réseau pakistanais fait une nouvelle offre et livre du matériel jusqu’en 1999. Durant cette période, l’Iran rencontre des difficultés à produire des composants et à fabriquer des centrifugeuses fiables. C’est en 1999, qu’ayant enfin testé avec succès les centrifugeuses P1, que l’Iran décide d’entreprendre des recherches et des développements à plus grande échelle et de construire ultérieurement une usine d’enrichissement à Natanz.

Pour compenser la qualité médiocre des composants fournis, le réseau procure à l’Iran des plans pour un modèle de centrifugeuses P2 plus performantes. Faute de moyens techniques et scientifiques, le travail sur ces centrifugeuses n’a commencé qu’en 2002. Les échantillons prélevés dans des emplacements et sur des équipements déclarés n’ont pas indiqué que des matières nucléaires avaient été utilisées avec ces machines.

Iranisées, les centrifuges P1 et P2 sont devenues IR1 et IR2. Amené à développer ses propres centrifugeuses, l’Iran sera amené à surmonter de multiples difficultés.

Contaminations suspectes et uranium métal

L’AIEA a enquêté au début des années 2000 sur l’origine de traces d’uranium très enrichi détectées sur du matériel à l’Université Technique de Téhéran. Auparavant, des analyses avaient démontré que l’uranium hautement enrichi trouvé sur d’autres machines était probablement d’origine pakistanaise.

L’Iran a reçu du réseau en 1987 un document décrivant des procédures pour la reconversion de l’hexafluorure d’uranium sous une forme métallique et son moulage en demi-sphères pour la fabrication d’une bombe. Ces procédures, mises au point durant la seconde guerre mondiale, ne sont toutefois pas des nouveautés. D’après l’AIEA, il n’y a pas eu d’indication d’activités de reconversion et de moulage en Iran.

Futur réacteur à eau lourde d’Arak
Installation du réacteur d’Arak photographiée lors d’une visite du site organisée par les autorités iraniennes en janvier 2011 pour des envoyés de L’AIEA mais boycottée par les occidentaux. Ce réacteur serait destiné à la production d’isotopes pour la médecine et la recherche. Selon Ali Salehi, directeur du programme atomique de l’Iran, il devait entrer en service en 2013-2014.
© CNTV français

Réacteur d’Arak à eau lourde

Un grief plus récent qui a refait surface en novembre 2013 est celui du réacteur d’Arak, un petit réacteur de 40 megawatts, dont la construction a commencé en 2004. Ce réacteur à eau lourde serait destiné à la production d’isotopes à des fins médicales, isotopes dont l’Iran manque du fait d’un embargo dont il est l’objet.

Les réacteurs à eau lourde sont considérés comme plutonigènes et donc proliférants, car l’irradiation de leur combustible à l’uranium naturel génère un plutonium de qualité militaire. Mais pour être proliférant, le réacteur devrait être accompagné d’une usine permettant de l’extraire des barres de combustibles, installation dont la première pierre est encore à poser.

Des faucons envisagèrent de bombarder ce site comme l’aviation israélienne l’avait fait avec le réacteur d’Osirak de Saddam Hussein en 1981. Le réacteur devant être achevé à l’automne 2014 pour une mise en service début 2015, il fallait bombarder vite avant l’introduction de matières fissiles, afin d’éviter un mini-Tchernobyl. Les colombes l’emportèrent. Au terme de l’accord du 14 juillet 2015, le cœur du réacteur devait être transformé pour ne pas pouvoir produire du plutonium de qualité militaire …

Chronologie nucléaire iranien 2008-20092006-20072003-2005

Le lecteur anglophone intéressé pourra consulter la très complète chronologie publiée par le New York Times

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