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Le retrait du combustible dans la piscine du réacteur N°4

Au début de novembre 2013, de grands médias comme la BBC et le New York Times annoncent le début du retrait des assemblages de combustible usé de la piscine du réacteur N°4 de la centrale de Fukushima. Les ingénieurs se préparent à extraire de la piscine d’un des réacteurs accidentés les premiers de milliers de crayons de combustible nucléaire entreposés. Une tâche délicate et risquée. Le début longuement attendu de ce retrait est considéré comme une étape essentielle de la longue route menant vers la stabilisation du site.

Des inquiétudes nourries par les médias s’étaient exprimées quant à la fragilité de la piscine. Que se passerait-il en cas de nouveau séisme ? Un reportage de l’émission Envoyé spécial de France 2 affirma même, en septembre 2012, qu’un écroulement de la piscine provoquerait un cataclysme équivalent à 5000 fois la bombe d’Hiroshima. Annonce abracadabrantesque ou irresponsable ? D’où vient le 5000 fois ? Il correspond au rapport des masses d’uranium présentes à Fukushima et Hiroshima. A Hiroshima il s’agissait de 50 kg enrichis à 90% en uranium 235 fissile pour la bombe. A Fukushima, 5000 fois plus d’uranium est entreposé, mais la teneur en isotope 235 n’est que de 1%. La configuration de l’entreposage et l’ajout à l’eau de refroidissement de bore, un efficace absorbeur de neutrons, interdisent tout départ de réaction en chaine explosive.

Travaux de restauration du bâtiment du réacteur N4
L’accumulation d’hydrogène en provenance du réacteur voisin fut à l’origine de l’explosion qui a endommagé le bâtiment, demeuré de longs mois dans l’état impressionnant d’un fragile squelette de béton. Depuis il a été complètement restauré et transformé. Une structure massive enveloppe maintenant l’ancien bâtiment avec les engins de manutention qui permirent de retirer les matières radioactives de la piscine.
© TEPCO

Le bâtiment du réacteur N°4 a été gravement endommagé par une explosion d’hydrogène en mars 2011, après le tsunami. Des assemblages de combustible juste sortis du réacteur restent entreposés dans la piscine attenante. Leur état peut être précaire. Retirer le combustible usé vers un lieu sûr au niveau du sol est une priorité, mais n’est devenu possible qu’après des mois de travaux de réparation et de planification.

Les crayons de combustible sont des tubes de quatre mètres de long contenant des pastilles d’oxyde d’uranium dont certaines ont pu être endommagées. Lorsque le tsunami du 11 mars 2011 a frappé, le réacteur N°4 était en cours de maintenance. Ses assemblages de combustible étaient sortis depuis peu du cœur. Le combustible usé juste déchargé dans la piscine dégageait beaucoup de chaleur. Immédiatement après l’explosion d’hydrogène, on craignit que la piscine d’entreposage du réacteur N°4 ne se vide et les autorités utilisèrent en désespoir de cause des hélicoptères et des lances à incendie pour la tenir remplie. Depuis cet épisode, un refroidissement normal a été rétabli. Deux ans après, le dégagement de chaleur avait décru de plus de 20 fois.

Le tranfert sous eau de combustibles usés très radioactifs dans un château de transport fait partie des techniques biens maîtrisées du nucléaire. Il est impératif de maintenir le combustible en permanence sous l’eau. En cas de contact avec l’air, les opérateurs seraient soumis à un intense rayonnement gamma. En cas d’un manque de refroidissement prolongé, il y aurait risque de surchauffe et de rejets de produits radioactifs. La quantité de matières radioactives présentes dans un assemblage ne saurait toutefois se comparer avec celle présente dans un cœur entier de réacteur.

Piscine du réacteur N°4 en novembre 2013
A l’intérieur du bâtiment restauré, tout est prêt pour l’évacuation des combustibles usés. Une structure en acier massif enveloppe le bâtiment ancien et supporte une grue. Les ingénieurs passèrent des mois à enlever soigneusement plâtras et autres débris à l’intérieur de la piscine de refroidissement. A l’intérieur, dans l’eau profonde, les quelques 1.300 assemblages de combustible étaient prêts à être retirés.
© BBC

L’opération pour retirer les crayons se présentait comme laborieuse. Les assemblages devaient être extraits par lots de 22 dans un “château” rempli d’eau, par une grue, récemment installée dans le bâtiment restauré. Sortir chaque lot devait prendre 7-10 jours. Des précautions particulières étaient à prendre. Des inspections par des caméras avaient montré que les crayons semblaient en bon état, mais sait-on jamais ! Les gaines des crayons avaient subi un temps la corrosion de l’eau de mer. Les crayons étaient-ils étanches ?

Il fallait s’assurer que les conteneurs restaient sous eau pour que les crayons n’aient aucun contact avec l’air. Une libération de rayonnements pouvait survenir en cas de chute des conteneurs contenant le combustible. Des câbles de secours furent prévus ainsi que des mécanismes pour tenir le combustible en cas d’une panne de courant.

Extraction des combustibles de la piscine
La sortie des combustibles usés de la piscine se fait sous eau par l’intermédiaire de lourds conteneurs appelés “châteaux”.
© BBC

En octobre 2013, la première extraction réussie d’un assemblage de combustible de quatre mètres de long eut lieu. L’extraction par TEPCO du reste paraissait une tâche difficile et délicate qui prendrait au moins un an. Mais transférer 1331 assemblages de combustible radioactif vers un entreposage sûr constituait une première étape sur la longue route menant à sécuriser le site de Fukushima. Du fait des multiples critiques du public quant à la gestion par l’entreprise TEPCO de la crise, le déroulement de ce dernier épisode fut suivi à la loupe.

Vidéo de TEPCO montrant le déroulement des opération de retrait du combustible (en anglais)

Remarquable exploit technique, les opérations de retrait du combustible se déroulèrent sans incident et prirent fin le 22 décembre 2014.

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