Fukushima : Piscine N°4
Un manque de refroidissement des combustibles usés
Naïvement, il semble qu’il faille se préoccuper en premier lieu des accidents de réacteurs en marche. On imagine plus difficilement des accidents survenant à l’arrêt et plus encore qu’ils puissent se produire au sein des piscines où sont entreposés les combustibles usés des réacteurs. C’est pourtant ce qui faillit arriver avec le réacteur N°4 de Fukushima, à partir du 15 mars 2011 et dans les jours qui suivirent.
Le niveau de l’eau dans la piscine de ce réacteur avait beaucoup baissé soit par évaporation du fait d’un défaut de refroidissement, soit en raison d’une fuite ou du tremblement de terre, menaçant de découvrir le sommet des assemblages situés à 8 mètres de la surface. Tant que le sommet des assemblages n’était pas découvert, aucune matière radioactive ne s’échappe.
Seuls s’échappent des gaines de combustible des rayons gamma qui, comme les rayons X, sont pénétrants. Le rôle des 8 m d’eau est de servir d’écran et d’absorber ces gamma. Si le niveau continue de baisser, le rayonnement gamma émergeant de la piscine devient si fort qu’il devient mortel de s’en approcher.
Quand la baisse du niveau se poursuit au point de découvrir le sommet des assemblages, le zirconium des gaines s’oxyde et éventuellement prend feu sous l’effet de la chaleur dégagée par les produits radioactifs encore présents dans le combustible.
Contrairement aux réacteurs N°1,2 et 3, le réacteur N°4 était arrêté . Son combustible usé venait d’être déchargé dans sa piscine où il cohabitait avec des décharges précédentes sorties depuis des mois, voire des années. Il était donc récent et chaud, mais les espèces radioactives les plus agressives comme l’iode-131 avaient disparu. Les radioéléments à même de s’échapper étaient principalement les césium-134 et 137 et le strontium-90.
Des niveaux de radiation très élevés furent observés au dessus du toit des piscines des réacteurs N°3 et N°4. L’hypothèse fut alors émise que ces piscines de 12 m de profondeur se seraient en partie vidées de leur eau au point de laisser affleurer la partie supérieure des assemblages. Une partie des assemblages combustibles de 4m de haut auraient été exposées des heures durant à l’air, avec un début de fontes des gaines et des rejets radioactifs.
En l’absence d’électricité, de moyens de pompage, il fallait donc remettre impérativement en eau ces piscines d’entreposage. A l’aveuglette, de l’extérieur à travers les toitures endommagées, car on ne pouvait ni pénétrer dans les lieux ni disposer de caméras. Le largage d’eau par des hélicoptères s’est avéré risqué et peu efficace en raison de l’intensité des rayons gamma qui imposait aux pilotes de prendre de l’altitude au dessus de la toiture. Finalement, on utilisa de puissantes lances d’incendie.
Après le 21 mars, le retour progressif de l’électricité permit une alimentation en eau plus normale. Les piscines d’entreposage des six réacteurs purent être refroidies. Un refroidissement en circuit fermé fut mis en place pour les tranches N°1 à 4. La température descendit en dessous de 30°C. Une désalinisation fut entreprise sur les piscines 2 à 4.
Finalement plus de peur que de mal
Trois mois après l’accident, des images vidéo de l’intérieur des piscines et des mesures de la contamination de l’eau indiquèrent qu’il n’y avait pas eu de dégradation importante des combustibles entreposés. En revanche, des matériaux étaient tombés dans les piscines à la suite des explosions d’hydrogène qui seraient venus du réacteur 3 (via le pied de la cheminée commune)
Après cette reprise en main et l’arrêt à froid des réacteurs N°1, 2 et 3, l’évacuation du combustible usé des piscines devint la priorité des ingénieurs japonais. Les données fournies par Tokyo Electric Power montrent que la majorité des matières radioactives présentes sur le site se trouvaient dans les piscines : 11 125 assemblages de combustibles usés étaient entreposés dans les piscines, soit près de 4 fois autant de matières radioactives que dans le cœur des 6 réacteurs.
Les médias exprimèrent des inquiétudes quant à la fragilité de la piscine. Que se passerait-il en cas de nouveau séisme ? Si l’eau venait à manquer à la suite d’une vidange brutale, les réactions en chaine ne pourraient pas se développer faute de neutrons lents. Par contre, Il faudrait refroidir de manière urgente. Cependant on disposerait de temps pour un refroidissement de secours (NB : Le dégagement de chaleur n’était plus en 2013 après 18 mois que le dixième ou moins de celui auquel il avait fallu faire face en mars 2011).
Lors du séisme de 2011, le bâtiment du réacteur N°4 avait résisté grâce aux normes antisismiques japonaises. Les dégâts subis résultèrent de l’explosion d’hydrogène du réacteur N°3 voisin et concernèrent l’étage supérieur, l’étage des manutentions. Il fallut déblayer les débris, reconstituer l’étage supérieur de façon à pouvoir déployer des systèmes de manutention, puis consolider le bâti sous la piscine. Des renforts métalliques furent fixés sous la structure et du béton coulé pour la renforcer. Après cette restauration, on commença à vider en novembre 2013 la piscine de ses combustibles usés. Les délicates opérations de retrait du combustible se déroulèrent sans incident jusqu’au 22 décembre 2014.
LA GESTION DES PISCINES D’ENTREPOSAGE APRÈS L’INCIDENT DU N°4
– : Piscine 4 : le retrait du combustible de la piscine
– : Vider les piscines de matières radioactives
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