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Le mariage d’un réacteur et d’un accélérateur

Les projets de réacteurs hybrides, mariage de la technologie des accélérateurs et de celle des réacteurs nucléaires, ont été relancés en 1994 par l’amplificateur d’énergie proposé par le prix Nobel de physique 1984 Carlo Rubbia et son équipe au CERN.

L’accélérateur serait un accélérateur de protons dont l’énergie cinétique à la sortie serait de l’ordre de 1000 MeV, plus de cent fois les 8 MeV requis pour arracher un nucléon d’un noyau. Lors d’une collision avec une cible de plomb, ces protons arrachent en moyenne une vingtaine de neutrons. Ces neutrons sont appelés neutrons de spallation.

Fission et régénération de l’uranium-233
Ce schéma de principe du cœur d’un réacteur hybride montra le faisceau de protons se propageant jusqu’à ce cœur et la « flamme » de neutrons qui atteignent le thorium et les matériaux fissiles immergés dans le plomb fondu. On a figuré les deux fonctions de ces neutrons : à gauche, la production d’énergie par la fission d’un noyau d’uranium-233 ; à droite, la régénération de cet uranium-233 fissile à partir de la capture d’un neutron par un noyau de thorium.
© IN2P3 (Source J.P.Revol).

Dans un réacteur classique, « l’allumette » primaire – la source de neutrons qui déclenche les premières réactions de fission – est généralement constituée d’un émetteur alpha et de béryllium. Elle est interne au réacteur et on ne peut pas la contrôler. Dans un réacteur hybride au contraire, la source est externe : les neutrons primaires sont fournis via l’accélérateur. Comme cette source est abondante, on n’a pas besoin de maintenir un état critique pour entretenir indéfiniment la réaction en chaîne et l’on choisit un combustible plus pauvre en éléments fissiles. Un neutron n’y déclenche qu’un nombre limité de fissions. La réaction en chaîne a perdu son potentiel explosif. C’est l’accélérateur qui pilote le réacteur.

Transparence du sodium et du plomb aux neutrons rapides
Le plomb et le bismuth seraient utilisés pour évacuer la chaleur en raison de leur grande transparence aux neutrons rapides. Cette transparence évite que ces neutrons soient capturés lors des nombreuses collisions qu’ils peuvent subir avant d’être absorbés de manière utile par le thorium fertile ou l’uranium fissile. La figure montre, pour les éléments naturels, la section efficace de capture des neutrons rapides, c’est-à-dire leur probabilité de capture (la courbe est tracée pour une énergie de 65 keV caractéristique de ces neutrons). La probabilité de capture apparaît particulièrement faible pour le sodium et le plomb. Le plomb présente sur le sodium l’avantage d’être moins délicat à manipuler.
© CERN/IN2P3

Les protons accélérés qui circulent dans le vide doivent traverser une « fenêtre » pour atteindre la cible où se produiront les réactions de spallation. La proposition de l’équipe Rubbia est que les protons frappent une cible de plomb fondu. Le plomb présente d’excellentes qualités nucléaires (une grande transparence aux neutrons), mais il est corrosif à l’état liquide. Pour diminuer ce caractère corrosif, on emploierait un mélange – dit eutectique – de plomb et de bismuth (également transparent aux neutrons).

Dans le passé, les eutectiques plomb-bismuth ont été utilisés dans les réacteurs à neutrons rapides des sous-marins soviétiques.

Un gros réacteur hybride de 1,2 gigawatt de puissance électrique serait refroidi par un mélange de 10 000 tonnes de plomb-bismuth fondu. Ce mélange servirait à ralentir, sans les capturer, les neutrons de spallation, à évacuer par convection la chaleur produite (en raison de ses bonnes qualités calorifiques) et enfin à confiner la radioactivité.

C’est dans ce grand volume de plomb fondu que serait immergé le cœur du réacteur producteur d’énergie. L’appoint de neutrons offrirait une grande souplesse dans le choix du combustible. On utiliserait à la place de l’uranium, du thorium enrichi en éléments fissiles, comme le plutonium produit des centrales actuelles. Il est envisagé de brûler dans ces réacteurs les déchets produits par les REP comme les actinides en récupérant l’énergie qu’ils contiennent. De tels réacteurs seraient principalement destinés à l’incinération des déchets et accessoirement à la production d’énergie.


Voir aussi :

Réacteurs hybrides