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Réacteur de Téhéran : une tentative de coopération manquée

Un besoin de combustible enrichi à 20 % pour la médecine
Le réacteur du Centre de Recherche Nucléaire de Téhéran objet du projet d ‘échange de combustible est un réacteur américain du modèle Triga produisant des isotopes à usage médical. Ce petit réacteur de 4MW installé en 1967 à l’époque du Shah nécessite des barres de combustible enrichies à 20%. La charge de combustible importée d’Argentine en 1993 devait être épuisée en septembre 2011. Faute de renouvellement, l’Iran, qui compte 120 centres de médecine nucléaire, ne disposerait plus alors des isotopes nécessaires au diagnostic et au traitement d’environ 850.000 patients atteints du cancer dans le pays.
© CNTV

Un modeste réacteur dévolu à la production d’isotopes pour la médecine a été au centre d’une tentative d’accord entre l’Iran et les puissances occidentales. Après de multiples épisodes, cette tentative échoua, malgré une ultime médiation de la Turquie et du Brésil. Le 9 juin 2010, le Conseil de Sécurité renforçait le régime des sanctions. Des rigidités, une méfiance réciproque, des malentendus conduisirent à l’échec.

Ce réacteur de faible puissance alimente en isotopes radioactifs les 200 services de médecine nucléaire des hôpitaux iraniens pour le diagnostic et le traitement des cancers. Son fonctionnement requiert un combustible enrichi à 20% en uranium 235, soit près de 6 fois les 3,5 % de l’uranium faiblement enrichi produit à Natanz. Il se trouve que cette charge de combustible était presque épuisée. Du fait des sanctions et de l’isolement, l’Iran était confronté à d’importantes restrictions pour la remplacer.

L’enrichissement d’uranium étant au cœur des inquiétudes des grandes puissances, celles-ci proposèrent en octobre 2009 à Téhéran de lui fournir le combustible nécessaire à son réacteur de recherche en échange de 70% de son uranium faiblement enrichi à 3,5%, soit environ une tonne. La Russie et la France auraient réceptionné l’uranium iranien, lui fournissant en échange le combustible conditionné pour son réacteur. Par cet artifice élégant, les diplomates espéraient faire sortir d’Iran la quantité d’uranium nécessaire pour fabriquer une bombe. La France était choisie pour sa compétence dans le nucléaire et la Russie pour sa modération.

Après avoir accepté l’accord, le Président Ahmadinejad – réputé faucon plus que colombe – fut attaqué au Parlement avec virulence par une alliance de factions conservatrices : On bradait les bijoux de famille ! Quelle garantie avait-on que l’Occident ne ferait pas main basse sur l’uranium national ? On proposa de saucissonner le transfert hors d’Iran. Les puissances occidentales refusèrent.

Quand l’Iran proposa en mai 2010 de sortir la tonne d’uranium grâce à la médiation de la Turquie et du Brésil, il était trop tard. L’initiative parut malencontreuse aux puissances occidentales, occupées à renforcer les sanctions. L’échange de combustible aurait eu pourtant la vertu, en surmontant la méfiance, de montrer, à travers une cause humanitaire, que l’Occident était de bonne foi dans ses offres de coopération.

Ne pouvant compter sur un approvisionnement de son réacteur, l’Iran décida de recourir à ses propres forces et d’enrichir à 20 % une partie de son uranium à 3,5 %. Il annonça fin octobre 2010 avoir déjà produit 30 kilos d’uranium enrichi à 20% depuis février et envisager de conditionner lui-même cet uranium. Comme d’habitude ce défi action, lancée au grand dam de la communauté internationale, peut être analysée de deux façons : les besoins de combustibles à 20% pour les hôpitaux sont bien réels ; cet enrichissement n’est qu’une étape vers les 95% nécessaires pour une bombe atomique.

Une médiation brésilienne et turque
17 mai 2010 : les présidents Lula  (Brésil) et Erdogan (Turquie) signaient avec l’Iran un accord prévoyant le transfert en Turquie de 1,2 tonne d’uranium iranien faiblement enrichi (3,5%) contre 120 kg de combustible enrichi à 20% pour un petit réacteur médical. Ce texte reprenait en partie l’offre formulée en octobre par l’Agence internationale de l’énergie atomique. L’échange présentait un intérêt marginal en terme de prolifération. Le véritable intérêt de cet échange aurait été de nouer des contacts utiles entre l’Iran et les puissances nucléaires occidentales.
© AP

 

Ce sont surtout des malades qui risquent de faire les frais de ce bras de fer diplomatique autour du combustible du réacteur de Téhéran : les cliniques et hôpitaux d’Iran pourraient être touchés par une pénurie d’isotopes radioactifs, indispensables pour le diagnostic et le traitement des 850 000 patients atteints d’un cancer dans le pays. du fait des restrictions imposées dans le cadre des sanctions de l’ONU pour l’importation d(isotopes radioactifs.

En décembre 2011, l’organisation de l’énergie atomique iranienne (IAEO) a annoncé que l’Iran avait maîtrisé toutes les phases du cycle nucléaire allant de l’extraction de l’uranium jusqu’à la confection de combustibles.

L’annonce était un prématurée, mais .le 12 février 2013, le ministère des Affaires étrangères annonçait que l’Iran était en train de convertir de l’uranium enrichi à 20% pour en faire du combustible : “Toutes les informations sur ce travail én cours étaient adressées à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)”. Selon un rapport de l’Agence, la quantité d’uranium à 20 % s’élevait en août 2013 à 186 kg dont la majeure partie était utilisée pour fabriquer en le combustible du réacteur de recherche médical. Une fois les besoins de celui-ci satisfaits, il semble que l’Itan est arrêté à Fordo l’enrichissement à 20 % et dilué à 3-4 % l’excédent.

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