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2022 : arrêt par mesure de précaution de 12 réacteurs
Un problème observé en octobre 2021 lors du contrôle décennal d’un réacteur de 1450 MWe de la centrale nucléaire de Civaux près de Poitiers, conduisit EDF à arrêter 12 réacteurs par mesure de précautions en 2022. Des anomalies similaires furent observées sur d’autres réacteurs de 1300 et 1450 MWe. Il s’agissait de fissures sur des coudes de la tuyauterie raccordant le dispositif d’injection de sécurité au circuit primaire du réacteur.
© RGN

Le 21 octobre 2021, à la suite de contrôles réalisés au titre de la visite décennale de l’unité 1 de la centrale nucléaire de Civaux, EDF informa l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) de la présence de fissures sur des soudures des coudes de la tuyauterie raccordant le système d’injection de sécurité au circuit primaire principal du réacteur.

Cette injection de sécurité qui permet d’alimenter en eau le circuit primaire, protège contre les risques d’accidents résultant d’un manque d’eau. En condition normale, il n’y a pas d’eau injectée.

Afin d’identifier l’origine et la nature des fissures, les parties de tuyauteries concernées furent découpées pour expertise métallurgique en laboratoire. Les premières expertises réalisées sur les parties incriminées des tuyauteries mirent en évidence la présence de fissures résultant d’un phénomène de « corrosion sous contrainte » ou CSC. EDF poursuivit ses investigations afin de caractériser l’origine de ce phénomène et d’identifier les zones possiblement concernées.

Circuit d’injection de sécurité RIS
Schéma de l’ilot nucléaire d’un réacteur situant le système d’injection de sécurité. Les fissures furent observées sur la tuyauterie des « circuits d’injection de sécurité (RIS) ». Ces circuits permettent d’injecter de l’eau dans le circuit primaire, en cas de manque. Ils ont une fonction de sécurité. En cas de brèche et de manque d’eau primaire, le réacteur se retrouverait dans une situation potentiellement accidentelle.
© ASN

La CSC, un phénomène lié à la conception des tuyauteries

Ce phénomène, non attendu dans ce matériau et dans cette zone, était très difficile à repérer avec les moyens de contrôles disponibles alors. Ce défaut consistait en une fissure dont la plus importante  atteignait 5 à 6 mm de profondeur sur toute la circonférence du tuyau, à proximité d’une soudure.

La Corrosion sous Contrainte (CSC) est à l’origine d’une fissuration progressive observée près des coudes de la canalisation. EDF estime que la géométrie des lignes circuits d’injection de sécurité (RIS) est le facteur principal expliquant la CSC. Elle suppose la conjonction de trois facteurs : un matériau qui y est sensible, un fluide et une sollicitation mécanique de traction.

Soudures présentant des fissures
Les anomalies furent observées sur les tuyauteries RIS ( représentées ici des réacteurs de 1300 et 1450 MWe  du parc français, mais non sur celles des réacteurs moins puissnts de 900 MWe .
© ASN

Au total, EDF après inspection  mit ou garda à l’arrêt douze réacteurs au coeur de l’hiver 2021-2022. Des portions de leurs tuyauteries furent découpées pour expertise. EDF découvrit qu’il s’agissait d’un problème générique sur les réacteurs les plus puissantes, les réacteurs moins puissants de 900 MWe s’étant montrés peu ou très peu sensibles au phénomène CSC.

La crise mit en lumière le besoin de disposer de marges de capacité de production en France pour être en mesure de faire face à un arrêt simultané de plusieurs réacteurs en cas d’anomalies importantes. L’arrêt par prudence de ces unités en 2022 a coïncidé avec la guerre en Ukraine. Avant cet arrêt, la France était exportatrice d’une électricité bon marché. Après celui-ci, elle a dû importer une électricité devenue très chère, du fait du conflit et des divers embargos. Au niveau des usagers, leurs factures électriques ont explosé malgré les mesures pour les atténuer.

Accusée  par les uns d’avoir mis très rapidement puis gardé à l’arrêt  douze réacteurs  et par les autres de n’en avoir pas fait assez, EDF  a donné la priorité à  la sûreté des réacteurs sur la sécurité d’approvisionnement électrique.

À la date du 27 janvier 2023, la France comptait 44 réacteurs fonctionnant sur 56 pour environ 45 GW de capacité. Civaux 1, l’un des réacteurs les plus puissants au monde, a commencé à monter en puissance (600 MW le 27.01) pour atteindre sa pleine puissance les jours suivants. Enfin, le redémarrage de la seconde unité de la centrale était attendu pour le 19 février 2023.

La main d’œuvre pour les réparations

La remise en état des portions de circuit qui avaient été démontées a demandé de faire appel à des soudeurs et fournisseurs étrangers.

Depuis l’arrêt en 1997 de SUPERPHENIX, la politique des autorités françaises concernant le nucléaire a beaucoup fluctué, entrainant une perte de savoir faire et de compétences dont les retards et les déboires du projet EPR sont la manifestation la plus claire. Dans le cas du remplacement des tuyaux souffrant de la CSC,  EDF a du faire appel à des fondeurs et forgerons italiens qui travaillait déjà avec elle dans le programme du grand carénage. Pour les équipements, aucun fournisseur français n’a pu répondre aux besoins. Il a fallu faire aussi appel à des salariés, environ 10%,  en provenance de l’étranger.

Après la phase d’expertise, de compréhension du phénomène, le traitement de l’anomalie est entrée dans une phase industrielle  de contrôle et de réparation , qui se déroulera sur plusieurs années, en commençant par les circuits les plus sensibles.

 


Voir aussi :

ASN Première en évidence du phénomène de corrosion sous contraine