Corrosion sous contraintes
Le 21 octobre 2021, à la suite de contrôles réalisés au titre de la visite décennale de l’unité 1 de la centrale nucléaire de Civaux, EDF informa l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) de la présence de fissures sur des soudures des coudes de la tuyauterie raccordant le système d’injection de sécurité au circuit primaire principal du réacteur.
Cette injection de sécurité qui permet d’alimenter en eau le circuit primaire, protège contre les risques d’accidents résultant d’un manque d’eau. En condition normale, il n’y a pas d’eau injectée.
Afin d’identifier l’origine et la nature des fissures, les parties de tuyauteries concernées furent découpées pour expertise métallurgique en laboratoire. Les premières expertises réalisées sur les parties incriminées des tuyauteries mirent en évidence la présence de fissures résultant d’un phénomène de « corrosion sous contrainte » ou CSC. EDF poursuivit ses investigations afin de caractériser l’origine de ce phénomène et d’identifier les zones possiblement concernées.
La CSC, un phénomène lié à la conception des tuyauteries
Ce phénomène, non attendu dans ce matériau et dans cette zone, était très difficile à repérer avec les moyens de contrôles disponibles alors. Ce défaut consistait en une fissure dont la plus importante atteignait 5 à 6 mm de profondeur sur toute la circonférence du tuyau, à proximité d’une soudure.
La Corrosion sous Contrainte (CSC) est à l’origine d’une fissuration progressive observée près des coudes de la canalisation. EDF estime que la géométrie des lignes circuits d’injection de sécurité (RIS) est le facteur principal expliquant la CSC. Elle suppose la conjonction de trois facteurs : un matériau qui y est sensible, un fluide et une sollicitation mécanique de traction.
Au total, EDF après inspection mit ou garda à l’arrêt douze réacteurs au coeur de l’hiver 2021-2022. Des portions de leurs tuyauteries furent découpées pour expertise. EDF découvrit qu’il s’agissait d’un problème générique sur les réacteurs les plus puissantes, les réacteurs moins puissants de 900 MWe s’étant montrés peu ou très peu sensibles au phénomène CSC.
La crise mit en lumière le besoin de disposer de marges de capacité de production en France pour être en mesure de faire face à un arrêt simultané de plusieurs réacteurs en cas d’anomalies importantes. L’arrêt par prudence de ces unités en 2022 a coïncidé avec la guerre en Ukraine. Avant cet arrêt, la France était exportatrice d’une électricité bon marché. Après celui-ci, elle a dû importer une électricité devenue très chère, du fait du conflit et des divers embargos. Au niveau des usagers, leurs factures électriques ont explosé malgré les mesures pour les atténuer.
Accusée par les uns d’avoir mis très rapidement puis gardé à l’arrêt douze réacteurs et par les autres de n’en avoir pas fait assez, EDF a donné la priorité à la sûreté des réacteurs sur la sécurité d’approvisionnement électrique.
À la date du 27 janvier 2023, la France comptait 44 réacteurs fonctionnant sur 56 pour environ 45 GW de capacité. Civaux 1, l’un des réacteurs les plus puissants au monde, a commencé à monter en puissance (600 MW le 27.01) pour atteindre sa pleine puissance les jours suivants. Enfin, le redémarrage de la seconde unité de la centrale était attendu pour le 19 février 2023.
La main d’œuvre pour les réparations
La remise en état des portions de circuit qui avaient été démontées a demandé de faire appel à des soudeurs et fournisseurs étrangers.
Depuis l’arrêt en 1997 de SUPERPHENIX, la politique des autorités françaises concernant le nucléaire a beaucoup fluctué, entrainant une perte de savoir faire et de compétences dont les retards et les déboires du projet EPR sont la manifestation la plus claire. Dans le cas du remplacement des tuyaux souffrant de la CSC, EDF a du faire appel à des fondeurs et forgerons italiens qui travaillait déjà avec elle dans le programme du grand carénage. Pour les équipements, aucun fournisseur français n’a pu répondre aux besoins. Il a fallu faire aussi appel à des salariés, environ 10%, en provenance de l’étranger.
Après la phase d’expertise, de compréhension du phénomène, le traitement de l’anomalie est entrée dans une phase industrielle de contrôle et de réparation , qui se déroulera sur plusieurs années, en commençant par les circuits les plus sensibles.
Les autres articles sur le sujet « Sûreté des réacteurs »
Confiner la radioactivité
Trois barrières … L’un des enjeux majeurs de la sûreté des installations nucléaires e[...]
Refroidissement du combustible
Evacuer la chaleur dégagée Pour assurer la sûreté d’un réacteur, il faut maîtriser le refro[...]
Arrêt du réacteur
Les braises de la fission Quand on arrête le réacteur, qu’il s’agisse de procéder au [...]
Surveillance des réacteurs
Assurer la sûreté des réacteurs sur la durée … Les réacteurs nucléaires sont conçus pour fo[...]
Maintenance Nucléaire
Surveiller, prévenir, réparer La maintenance inclut la surveillance, l’entretien courant, les pet[...]
Autorités de Sûreté
Les missions de l’Autorité de Sûreté Nucléaire en France Divers organismes assurent la prot[...]
Sureté post-Fukushima
Prendre en compte les agressions extérieures L’accident a montré que les risques liés au refroidi[...]
Chute Avion, Guerre, Terrorisme …
Agressions humaines : guerres, terrorisme, accidents L’amélioration de la sûreté des installation[...]