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Uranium de qualité militaire : enrichissement et centrifugeuses

Principe de l’ultracentrifugation
Le gaz d’uranium est injecté sous forme d’hexafluorure (UF6) dans la centrifugeuse qui tourne à deux fois la vitesse du son. Le plus lourd des deux isotopes, l’uranium-238 est poussé contre les parois du cylindre externe alors que le plus léger, l’uranium-235, reste près de l’axe où il est aspiré pour alimenter la centrifugeuse suivante. L’hexafluorure doit passer dans des milliers de centrifugeuses pour être enrichi à la concentration voulue. La centrifugation peut être détournée pour fabriquer l’uranium enrichi des bombes.
© IN2P3/Urenco

Pour la voie de l’uranium, la clef de la technologie est le développement de centrifugeuses. Il s’agit de séparer dans un composé gazeux de l’uranium naturel – l’hexafluorure – les atomes d’uranium-235 des atomes d’uranium-238 majoritaires et à peine – 1.5% – plus lourds.

La technique consiste à faire tourner ce composé gazeux dans une centrifugeuse tournant à des vitesses de rotation extrêmes. Les atomes d’uranium les plus lourds (U-238) tendent à se porter à la périphérie de l’ultra-centrifugeuse alors que les plus légers (U-235) restent plutôt au centre. Ils sont alors pompés et renvoyés vers une autre centrifugeuse. Pour arriver à l’uranium de qualité militaire, le composé gazeux doit traverser des dizaines de milliers de centrifugeuses jusqu’à ce que ce qui reste soit principalement de l’uranium hautement enrichi.

Ce procédé se prête à la prolifération, car il est modulaire, les unités de production peuvent être assez petites, et les besoins en énergie raisonnables.

Mais fabriquer ces centrifugeuses n’est pas facile. Il faut des matériaux spéciaux très résistants pour les rotors amenés à tourner à la vitesse du son ou davantage et qui doivent être parfaitement équilibrés.

Des tubes suspects ?
Les tubes d’aluminium trouvés en Irak par les diverses inspections étaient-ils destinés à des bombes ? Pouvaient-ils servir à des centrifugeuses comme l’affirmait la CIA ? Ces images ont été présentées par le Secrétaire d’État Colin Powell, le 5 février 2003, devant le conseil de sécurité de l’ONU. À l’époque, le rapport de l’AIEA concluait à l’absence probable d’un programme nucléaire actif. Les inspections américaines après le conflit confirmèrent qu’il en était bien ainsi.
© Source U.S. State Department

La voie de l’uranium a fait parler d’elle en 2003 lors de la crise irakienne. Le Pentagone fit état d’achats de minerai au Niger, information qui se révéla un faux. Le Secrétaire d’État assura devant le Conseil de Sécurité de l’ONU que l’Irak disposait de tubes spéciaux en aluminium dont l’enquête prouva qu’ils n’avaient pas la qualité requise pour des centrifugeuses. En fait, le bombardement du réacteur Osirak en 1981, la guerre du Golfe en 1991, le délabrement et l’isolement du pays consécutif aux sanctions, les inspections, des élites décimées par la dictature avaient anéanti le programme nucléaire irakien.

Tous les pays du club atomique empruntèrent la voie de l’uranium avec celle du plutonium pour acquérir leur bombe. Tel fut le cas de la France qui construisit à partir de 1958 à Pierrelatte sa première usine d’enrichissement pour satisfaire ses besoins militaires, le tout sous le regard peu chaleureux des États-Unis et de la Grande-Bretagne qui voyaient défavorablement l’arrivée d’un nouveau membre dans leur club. Après la Chine et l’Inde, le Pakistan suivit cette voie à sa manière. Le Pays recherchait la bombe, son grand rival indien ayant acquis l’arme nucléaire en 1974. En 1977 revenait au pays un jeune ingénieur, Quader Khan, avec sous le bras les plans secrets des centrifugeuses d’Urenco, chez qui il avait travaillé. Le Pakistan démarra ainsi une usine d’enrichissement en 1984 et aboutit à la bombe en 1998. Les États-Unis qui avaient besoin du Pakistan pour soutenir l’insurrection en Afghanistan contre les soviétiques fermèrent les yeux.

Le rôle de Quader Khan, devenu général et héros national, ne se limita pas là. Il est à l’origine des graves crises de Corée du Nord et d’Iran. Par son intermédiaire, le Pakistan offrit la technologie de ses centrifugeuses dans le cadre d’un vaste marché noir. En 1993, il fournit la technologie à la Corée du Nord en échange de missiles. L’Iran qui n’avait pas accès à du combustible du fait d’un embargo américain acheta des centrifugeuses pour démarrer un enrichissement. La Libye fera partie aussi des clients.