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Transformer des noyaux radioactifs pour les pacifier …

Destruction par fission d’un noyau lourd
La fission constitue un excellent moyen pour détruire un noyau lourd de très longue durée de vie. Ici, un noyau fissile d’uranium-235 capture un neutron et se divise en deux fragments très radioactifs. Ceux-ci se stabilisent au terme d’une cascade de désintégrations. Le fragment à 143 nucléons met une quinzaine de jours à devenir stable, le fragment à 90 nucléons une trentaine d’années à cause du strontium-90. Une trentaine d’années c’est beaucoup moins que les 700 millions d’années que vit l’uranium-235. On peut détruire par fission des isotopes du plutonium et les actinides mineurs.
© IN2P3

L’incinération des ordures ménagères fait partie de la gestion des déchets domestiques. Ne pourrait-on pas faire de même avec les déchets radioactifs ? Après avoir isolé un élément gênant parce que sa durée de vie est trop longue, ne pourrait-on pas le détruire ? Pour se débarrasser des éléments radioactifs tenaces qui vivent des centaines d’années ou plus, il suffit en principe de changer leur nature, de les transformer en noyaux pacifiés, stables.

Paradoxalement, il peut arriver de passer par l’intermédiaire de noyaux beaucoup plus radioactifs mais de courtes durées ! Pour se débarrasser du technétium-99, un produit de fission qui vit 210 000 ans, on va le transmuter en technétium-100 par la capture d’un neutron. Le technétium-100 se désintègre alors en quelques minutes en un noyau de ruthenium stable. La désintégration radioactive a été accélérée (NB : dans un réacteur, ce procédé est gourmand en neutrons).

Les radioéléments à vie longue à détruire en priorité, car les plus toxiques, sont des noyaux lourds appelés actinides mineurs – neptunium, américium, curium – qui représentent environ 0,2 % du combustible usé. Ce sont des noyaux fragiles. Bombardés par des neutrons d’énergie convenable, ils subissent des fissions qui les détruisent.

On cherchera à les détruire en les incorporant au combustible de réacteurs spécialisés. Les réacteurs actuels qui fonctionnent avec des neutrons lents sont peu efficaces. Par contre, avec des neutrons rapides, presque tous les actinides deviennent fissiles, donc destructibles. L’arrêt en France en 1997 de la filière des réacteurs à neutrons rapides a retardé la possibilité de pouvoir brûler ces actinides. Pour y arriver à nouveau à une échelle industrielle, il faudra attendre l’arrivée éventuelle de réacteurs de quatrième génération.

Transmutation des actinides : les neutrons rapides plus efficaces
Les neutrons rapides sont efficaces pour détruire les noyaux lourds présents dans les réacteurs y compris ceux réputés non fissiles. On a comparé ici la probabilité de fission des isotopes du plutonium et des actinides mineurs par les neutrons lents d’un réacteur classique REP et les neutrons rapides d’un réacteur hybride. Avec des neutrons rapides, tous les éléments ont de bonnes chances d’être éliminés par fission. L’efficacité des neutrons rapides est due au supplément d’énergie cinétique qui facilite la fission des noyaux fragiles.
© IN2P3 (Source : Spectre REP ORNL-4628)

Détruire des noyaux gênants est une tâche malaisée. Dans l’incinération des ordures ménagères, on s’attaque à des atomes et des molécules. C’est de la simple chimie. Transformer des noyaux un à un est beaucoup plus difficile. Il faut beaucoup de neutrons, et il y a beaucoup de noyaux à transmuter !

Les tonnages que l’on peut incinérer sont limités. Un réacteur de 1 Gigawatt (3 GW de puissance thermique) tournant 24h sur 24, ne brûlant que des actinides, n’en détruirait que 1,1 tonne par an. Une performance à première vue décevante mais en contrepartie les réacteurs produisent peu de ces déchets. Un réacteur REP générant annuellement 18 kg d’actinides mineurs, notre réacteur-incinérateur pourrait en théorie brûler les actinides issus des 58 réacteurs français.

Plus qu’une alternative, l’incinération s’avère un complément du stockage à grande profondeur qu’elle ne saurait remplacer. Cependant, en réduisant le volume et la toxicité à stocker, l’incinération des déchets les plus gênants permettrait de revoir à la baisse les spécifications requises pour les sites de stockage géologiques à long terme. La transmutation est assignée comme un but ultime des recherches sur les déchets.

La transmutation ne pourra que s’appliquer difficilement aux déchets de haute activité déjà produits et conditionnés.