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Dénaturer l’uranium hautement enrichi en le diluant …

Les stocks d’uranium militaire américain et russe auxquels s’ajoutent ceux marginaux des autres puissances nucléaires sont estimés à environ 2000 tonnes, soit l’équivalent d’environ 12 années de production mondiale des mines d’uranium. Ces stocks sont beaucoup plus importants que les 260 tonnes estimées du plutonium militaire.

L’uranium de qualité militaire est de l’uranium très fortement enrichi en isotope 235. En américain il est désigné sous l’appellation HEU (Highly Enriched Uranium ). L’uranium civil est défini comme contenant moins de 20% d’uranium-235. Pour les bombes la concentration requise est de 90% ou davantage.

Pour la destruction de l’uranium de qualité militaire il suffit comme Pénélope de défaire la tapisserie soigneusement tissée, en l’occurrence diluer l’uranium-235 que l’on a si péniblement extrait de l’uranium naturel avec ce même uranium naturel.

Principe de la dilution de l’uranium militaire
L’uranium de qualité militaire est un uranium hautement enrichi, à plus de 90% en isotope fissile U-235. L’uranium naturel en contient 0,7 %. Il faut diluer 1 tonne d’uranium militaire à 90 % dans 26 tonnes d’uranium naturel pour obtenir 27 tonnes de combustible réacteur à 4 %, de quoi faire tourner environ un an un réacteur de 1 Gigawatt de puissance électrique.
© IN2P3

La méthode consiste à diluer l’HEU avec de l’uranium pauvre en isotope 235 pour aboutir à de l’uranium peu enrichi, typiquement à moins de 5%. Cet uranium (LEU ou low enriched uranium) est utilisable comme combustible dans les réacteurs commerciaux. Cette opération est appelée en américain downblending. On utilise pour diluer de l’uranium militaire de l’uranium naturel (0.7% d’U-235) ou de l’uranium sortant des réacteurs contenant environ 1% d’isotope 235.

Une fois transformé en combustible civil et plus encore après être passé en réacteur, l’uranium est devenu impropre à la fabrication d’armes. On pourrait penser à refaire le chemin inverse et à réenrichir l’uranium avec des centrifugeuses, mais alors à quoi bon s’être donné tant de mal !

Dilution de l’uranium en Russie
En Russie, les surplus d’uranium hautement enrichi sont dégradés dans diverses installations. Dans cette usine de la Siberian Chemical Enterprise près de Krasnoyarsk, l’oxyde d’uranium HEU est converti en hexafluorure. Dans une autre, ce composé qui devient gazeux  chauffé, est introduit dans un flux où il se mélange avec un gaz produit à partir d’uranium naturel ou appauvri. Il en ressort dilué à moins de 5% en isotope 235 fissile, une concentration trop faible pour un quelconque usage militaire mais idéale pour la production d’électricité.
© USEC/TENEX

Aux USA c’est l’US Enrichment Corporation (USEC) qui est chargée de fabriquer ce combustible à l’uranium d’origine militaire dans le cadre du démantèlement des armes atomiques en surplus. Ce combustible concurrence celui fabriqué avec les procédés d’enrichissements traditionnels de diffusion gazeuse ou de centrifugation par des sociétés, comme AREVA ou URENCO en Europe.

Alors que depuis les débuts des usages pacifiques de l’énergie atomique, on se préoccupe du détournement à des fins militaires de l’uranium destiné aux réacteur, les rôles s’inversent légèrement. Depuis quelques années, l’uranium des armes nucléaires contribue à la production d’énergie électrique. Les mégatonnes des bombes se muent en mégawatts électriques !

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