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” Le nuage de Tchernobyl s’est arrêté aux frontières ” ! La diffusion à la télévision et dans les journaux de cartes météo du 29 avril au 1er mai 1986 firent croire que la France échappait au nuage radioactif, du fait de l’anticyclone des Açores et de vents favorables …

La phrase mythique a-t-elle été vraiment prononcée ? Qu’importe ! Elle resta profondément ancrée dans les esprits, malgré les multiples actions en diffamations engagées par Pierre Pellerin (1923-2013), directeur à l’époque du SPCRI (Service central de protection contre les rayonnements ionisants, aujourd’hui département de l’IRSN). Les jugements en sa faveur n’y ont rien fait.

POUR EN SAVOIR PLUS : Informations sur le parcours et le déroulé du nuage

En 2006, environ 500 plaignants se constituèrent partie civile, reprochant au SCPRI et à son directeur d’avoir trompé « l’autorité publique et les populations sur les risques encourus». Le SCPRI aurait occulté, en produisant des cartes basées sur des moyennes départementales, des concentrations élevées d’iode radioactif dangereux dans des zones à forte pluviosité où les contaminations auraient approché, d’avril à juin 1986, celles de territoires proches de Tchernobyl.

La communauté scientifique se mobilisa pour soutenir le responsable accusé. Selon un rapport de 1997 de l’IRSN et compte tenu du niveau des retombées radioactives, les doses à la thyroïde auraient été en France de 100 à 300 fois inférieures à celles en Ukraine et au Belarus.

Le SCPRI nia avoir dit que nuage s’était arrêté aux frontières mais sa présentation resta lénifiante. Lorsqu’il arriva sur la France dans la nuit du 29 au 30 avril, le SCPRI avertit bien les autorités gouvernementales et les agences de presse. Mais un second communiqué, le même 30 avril, fit état d’une « légère hausse de la radioactivité atmosphérique, non significative pour la santé publique ». Puis les 1 et 2 mai, le SCPRI estima que compte tenu des quantités de radioéléments du « nuage » et des niveaux de contamination « ni la situation actuelle, ni son évolution ultérieure ne justifiaient dans notre pays quelque contre-mesure sanitaire que ce soit ».

Vidéo de l’IRSN (2005) reconstituant la dispersion du nuage radioactif sur l’Europe. La reconstitution est en accord avec les dépôts de césium mesurés.

Fallait-il rassurer ou être véridique au risque d’inquiéter. Le dilemme est ancien. Une violente polémique opposa en 1976 le vulcanologue Haroun Tazieff à ses collègues suite aux prémices inquiétants d’une éruption du volcan de la Soufrière en Guadeloupe. Tazieff tenait l’éruption pour bénigne, contrairement à ce que pronostiquaient ses opposants qui conseillaient l’évacuation de 70 000 habitants proches, ce qui fut décidé par les pouvoirs publics. Le volcan se calma sans provoquer de dégâts. Qui avait raison ?

La France du fait de son éloignement de Tchernobyl a été une des nations les moins touchées de l’Europe. Le message lénifiant des autorités se justifiait si l’on s’en tenait à des contaminations moyennes, mais négligeait l’existence de «taches de léopard » avec des contaminations locales plus élevées. Comment l’opinion aurait-elle réagi à une information plus véridique. Ce qui est certain, c’est que pour n’avoir pas voulu inquiéter, les autorités se sont décrédibilisées. Il y a-t-il eu des victimes ? Si oui, elles sont peu nombreuses et on ne peut démontrer scientifiquement qui elles sont.

 


Voir aussi :

Tchernobyl : France