Le site de Tchernobyl plus de 30 ans après
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Le sarcophage de l’unité 4
En 1986, les autorités soviétiques firent construire en quelques mois un bâtiment appelé sarcophage après avoir déversé à partir d’hélicoptères des milliers de tonnes de matériaux sur l’unité N°4 accidentée. Le sarcophage contient la majeure partie des 190 tonnes du combustible resté dans le cœur fondu du réacteur. Construit dans l’urgence et fragile, le sarcophage a fait l’objet de travaux de renforcement afin de réduire les risques d’effondrement ou de fuites de matières radioactives.
© Petr Pavlicek/IAEA
Le 15 décembre 2000, le gouvernement ukrainien, conformément à l’engagement qu’il avait pris en 1995, a arrêté définitivement le dernier réacteur encore en fonctionnement sur le site. Cet événement marqua la fin de l’exploitation des réacteurs RBMK en Ukraine. Il existait encore à cette date 13 réacteurs de cette filière en exploitation, répartis sur deux sites en Russie et un en Lituanie.
Malgré l’arrêt définitif du dernier réacteur, il subsistait d’importantes quantités de matières radioactives sur place. Un programme de démantèlement a été défini et mis en œuvre notamment grâce au soutien financier de la communauté internationale.
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Pripiat : une cité à l’abandon
Des débris et des morceaux de plâtre sont tout ce qui reste de la polyclinique de la ville Pripiat à 3 kilomètres de Tchernobyl. Les locaux avaient été laissés intacts, mais le temps et des maraudeurs passés piller l’ameublement et le matériel ont fait leur œuvre.
© Petr Pavlicek/IAEA
Les autorités ukrainiennes décrétèrent une zone morte de 29 km de rayon (la moitié d’un département français) avec son cortège de villes fantômes et l’aspect de désolation propre aux ruines et aux vestiges abandonnés. La plus connue est Prypiat, située à environ deux kilomètres du désastre, vidée de ses 50 000 habitants dans l’urgence de la catastrophe.
Un effort de décontamination rendit le complexe des réacteurs assez sûr pour l’accès des travailleurs et des visiteurs. La plupart des zones décontaminées furent nettoyées avec des bulldozers qui raclèrent une épaisseur de plus de 1 mètre de sol contaminé.
Avec les années, le risque des radiations dans les zones affectées a beaucoup décru du fait de l’évolution naturelle et des mesures prises. La majorité des territoires contaminés sont maintenant suffisamment décontaminés pour y vivre et mener une activité économique. Cependant dans la zone d’exclusion et un nombre limité d’endroits, des restrictions quant à l’usage du sol perdureront encore longtemps.
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La zone d’exclusion : un territoire abandonné
La zone d’exclusion de Tchernobyl – plus de 2600 kilomètres carrés autour du réacteur détruit – est retournée à l’état sauvage. Cette meute de chiens se nourrit des restes que leur apportent les ouvriers chargés du nettoyage de la zone et les personnes qui y vivent. Des animaux sauvages comme des sangliers, des daims y prospèrent. En l’absence d’humains, la zone d’exclusion a pris ironiquement l’aspect d’un parc naturel.
© Photograph by Gerd Ludwig/NGM
Concernant le « sarcophage », construit en 6 mois en 1986 dans des conditions difficiles pour contenir les restes du réacteur accidenté, en l’absence de diagnostics précis sur sa solidité à moyen et long termes, il existe un risque d’effondrement, qui aurait pour conséquence une émission de poussières radioactives dans l’environnement immédiat.
Si un tel effondrement se produisait, il ne constituerait pas un « second Tchernobyl » comme il est parfois dit. Il n’y aurait ni incendie, ni explosion. Les poussières de l’effondrement retomberaient aux environs immédiats. Elles seraient beaucoup moins radioactives qu’en 1986 en raison de la disparition totale depuis plus de 30 ans des éléments volatils et à vie courte comme l’iode-131 qui furent si nocifs lors de l’explosion du réacteur.
De grands travaux furent entrepris pour parer à la détérioration du sarcophage recouvrant le réacteur accidenté. Le financement du programme bénéficia d’un important soutien de l’Union Européenne. La construction d’une grande arche au dessus du sarcophage fut entreprise. Les travaux commencèrent en 2010. La mise en place eut lieu fin novembre 2016. Sur le long terme, il est prévu de démanteler le sarcophage afin d’y récupérer les matières très radioactives enfouies.
Les combustibles irradiés des trois réacteurs arrêtés sont actuellement entreposés dans les piscines attenantes à ces réacteurs. Un retraitement des combustibles usés, qui aurait permis leur conditionnement, n’est pas prévu et il était envisagé de construire une installation afin de les entreposer « à sec ». Par ailleurs, un centre de stockage et de traitement de déchets radioactifs provenant de la centrale de Tchernobyl et de la zone qui l’entoure a été inauguré en 2008. Une partie du centre, construite avec l’aide de la Commission Européenne, devait accueillir 75 000 m3 de déchets radioactifs.
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2014 : Tourisme nucléaire à Prypiat
Ce parc de loisirs devait ouvrir le 1er mai 1986, mais la centrale explosa cinq jours avant. Il est devenu une attraction d’un nouveau type.
© Gerd Ludwig : National Geographic Magazine
Effet des années, des efforts de décontamination, un intéressant article du National Geographic Magazine fait état en 2014 d’un tourisme nucléaire. Après la faune sauvage qui a reconquis la zone, quasi inhabitée, c’est au tour de touristes d’un genre nouveau d’apparaître. Vêtus de blanches combinaisons, ils se prennent en photos dans le parc de loisirs de la ville fantôme de Prypiat. Ils ne portent pas de masques mais évitent de ramasser des champignons. En 2018, plus de 70,000 people visitèrent la ville.
Quelle leçon tirer 30 ans après l’accident ? Un second Tchernobyl est-il possible ? Rappelons que l’accident ne se serait pas produit si les opérateurs n’avaient désactivé les dispositifs de sûreté. En 2016, les probabilités d’accidents majeurs sont devenues extrêmement faibles, mais les Autorités de Sûreté ne les excluent pas totalement. Les acteurs du nucléaire préfèrent mettre l’accent sur l’obligation d’en réduire dramatiquement les conséquences. Il s’agira d’éviter à tout prix un relâchement majeur de radioactivité et le traumatisme d’avoir à évacuer des populations entières.
1922 : LA RUSSIE ENVAHIT L’UKRAINE
Le 24 février 2022, la Russie a envahi l’Ukraine. Des troupes russes, en provenance du Belarus, occupèrent la centrale (Il n’était plus question de tourisme à Prypiat). Le personnel ukrainien, sous la contrainte et dans des conditions difficiles, continua d’assurer la sécurité du site. Un sujet de préoccupation fut la grande piscine d’entreposage des combustibles usés. Ces assemblages provenaient des trois unités non accidentées de la centrale de Tchernobyl, dont la dernière fut arrêtée en 2000. Environ 22000 assemblages sont entreposés dans la piscine. Au bout de 22 ans et davantage, la chaleur qu’ils dégagent a beaucoup diminué. En cas d’interruption de circulation de l’eau de refroidissement de la piscine, la température de celle-ci se situerait entre 65 et 70°C, écartant tout risque d’ébullition. Par ailleurs, les opérations du côté de la grande arche étaient interrompues. En l’absence de combats sur place, il n’y avait pas à la fin mars 2022 de risques de rejets radioactifs. A peu près au même moment, les troupes russes se retirèrent des environs de Kiev et donc de la zone de Tchernobyl.
16 mars 2022 : Sécurité et sûreté des installations nucléaires en Ukraine : un point sur les enjeux de sécurité et de sûreté depuis la prise de contrôle par les forces russes des centrales de Tchernobyl et de Zaporijjia (Vidéo SFEN),
14 février 2025 : une frappe endommage l’enceinte confinant le réacteur
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, accusa vendredi 14 février la Russie d’avoir endommagé avec un drone explosif l’arche métallique de confinement de la centrale nucléaire accidentée de Tchernobyl. Du côté russe, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a repondu que l’armée russe ne visait pas les installations nucléaires : « Il ne peut être question de frappe contre telle ou telle infrastructure nucléaire (…) les militaires russes ne font pas ça ».
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La frappe endommage la structure confinant le réacteur
La structure métallique touchée, inaugurée en 2019, recouvre le sarcophage et les débris radioactifs qui s’y trouvent. La frappe a eu lieu vers 1 h 50 du matin , selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Le personnel sur place est intervenu quelques minutes après la frappe. Selon l’AIEA, « les niveaux de radiation à l’intérieur et à l’extérieur sont restés normaux et stables ».
© DR
Les dégâts furent heureusement minimes. L’incident survint en pleine effervescence diplomatique autour de la guerre en Ukraine. Le président des Etats-Unis, Donald Trump, avait rompu le statu quo et l’isolement, par l’Occident, de Vladimir Poutine, en proclamant le début de négociations de paix. Une initiative qui faisait craindre que Washington n’abandonne l’Ukraine et contribue à affaiblir sa position
Voir aussi :
Paul Reuss et Michel Chouha ” Tchernobyl, 25 ans après … Fukushima. Quel avenir pour le nucléaire ? “, Editions Lavoisier, 2011
Tchernobyl, 30 ans après – Ch. de la Vaissière, RGN, avril 2016
Chernobyl survivors assess fact and fiction in TV series – BBC Ukrainian, juin 2019
War in Ukrain : inside Chernobyl after the russian occupation – Premier reportage de la BBC après la réoccupation du site par l’armée ukrainienne, avril 2022
Et aussi, sur le confinement des ruines radioactives du réacteur …
– 1) : Construction du sarcophage de Tchernobyl
– 2) : Une grande arche de protection du sarcophage
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