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2014 -2017 : Etat des opérations de décontamination

Le très important programme d’assainissement des territoires contaminés mis en place au Japon a beaucoup progressé. Les niveaux de contamination ont fortement décru, ce qui permet d’envisager un retour progressif d’habitants de zones évacuées. Toutefois dans certaines zones, comme les forêts, la décontamination difficile est nettement plus lente à mettre en œuvre.

Opération de décontamination
Cet extrait d’un reportage du National Geographic Magazine montre une opération de décontamination. Il s’agit là ou le niveau de contamination est élevé de racler le sol pour éliminer les atomes de césium déposés en surface.
© National Geographic

On distingue pour l’assainissement : une zone de décontamination spéciale dont les populations ont été évacuées et où le gouvernement responsable du nettoyage choisit les entreprises chargées du travail ; Une zone de surveillance poussée dont les populations n’ont pas été évacuées mais où une décontamination est nécessaire. Les municipalités y sont chargées de la décontamination sous le contrôle du Ministère de l’Environnement.

La Zone de Décontamination Spéciale couvre 11 communes : le plan de nettoyage mis au point pour 10 d’entre elles est activement engagé. Les lieux qui présentent une radioactivité supérieure à 50 millisievert (mSv)par an seraient déclarés inhabitables. Là où la dose d’exposition aux radiations se situe en dessous cette limite, les opérations de décontamination visent à ramener le niveau en deçà de 20 millisieverts et de permettre un retour des résidents. Là où la dose d’exposition est comprise entre 1 et 20 millisieverts par an, le retour proche des populations est prévu.

La Zone de Surveillance Poussée comprend 100 communes, dont la population n’a pas été évacuée. La mise en œuvre de l’assainissement est prévu de durer jusqu’à 5 ans dans la préfecture de Fukushima. Alors que le principe initial était de prendre principalement en compte les niveaux de contamination du sol, indépendamment du temps de présence d’habitants sur place, la décontamination est maintenant basée sur la dose effective accumulée par le public (on reste moins longtemps en forêt que dans les champs, par exemple, la décontamination peut donc y être moins poussée).

L’autorité japonaise de sûreté (NRA) a démontré que le risque d’exposition interne due à la contamination dans les zones non évacuées est faible. Les doses réellement mesurées par les dosimètres personnels y sont de 2,6 à 7 fois inférieures aux estimations basées sur les mesures au sol et aériennes.

Techniques de décontaminations
Il s’agit de réduire l’exposition en éliminant la contamination radioactive de l’environnement humain par des mesures mises en oeuvre à grande échelle : raclage du sol et des feuilles mortes, lavage ou essuyage de la surface contaminée d’objets divers, etc. On peut aussi recouvrir les sols contaminés par de la terre saine ou labourer champs et jardins.
© Source SFEN

Plus de 26 000 hectares de terres agricoles décontaminés avaient été remis en production (de riz, essentiellement) fin 2014. Les contrôles des produits agricoles montrèrent que la quasi-totalité des terrains décontaminés produisaient de la nourriture dont la radioactivité était en-dessous des niveaux autorisés. Ainsi dans la préfecture de Fukushima, sur toute l’année 2012, seuls 71 sacs de riz sur 10 millions dépassaient la norme.

Ce faible taux qui peut surprendre n’est pas dû à la seule décontamination. Il s’explique aussi par le fait que les dépôts radioactifs directs survenus en mars 2011 précédaient la pousse de la végétation. Les années suivantes la contamination des végétaux, passant par les racines, était devenue indirecte et naturellement plus faible.

Il a fallu stocker d’une manière sure les résidus radioactifs des nettoyages. En décembre 2013, l’État japonais a pris en charge la création d’un site de stockage de ces résidus, d’une surface de 3 à 5 kilomètres carrés. Il est prévu d’y stocker pour une durée d’environ 30 ans la terre, les feuilles, herbes radioactives collectées. Une couverture de terre protectrice suffisamment épaisse absorbe les rayons gamma et protège la végétation. L’important est d’éviter une circulation de l’eau.

Dans les champs, les jardins publics et privés, et autour des lieux accueillant des enfants, la priorité a consisté à racler la couche supérieure de terre sur environ 5 cm de profondeur. 75 à 97% de la radioactivité du sol auraient ainsi été éliminés. En conséquence : 22 millions de m3 de terre contaminée sont depuis entreposés sur des sites dédiés autour de la centrale, collectés dans des gros sacs appelés big bags. Les autorités japonaises étudient les meilleures technologies pour les débarrasser de leur radioactivité, essentiellement due au césium 137. Neuf projets ont été sélectionnés en 2017 pour des essais.

Un exemple des actions de décontamination entrepris par les municipalités de la préfecture de Fukushima a été l’envoi, à partir de mai 2011, de bulldozers pour racler et enlever la terre contaminée autour et dans la cour des écoles. Il s’agissait de ramener l’exposition annuelle des écoliers en dessous de la limite légale de 1 millisievert/an. En octobre 2013, 400 cours d’école avaient été décontaminées.

Avril 2014 : Premiers retours à Tamura
Environ 350 résidents furent admis à retourner le 1er avril 2014 dans le quartier Miyakoki de la municipalité de Tamura à l’intérieur de la zone d’exclusion de 20 km. Combien de ces résidents retourneront ? Selon Mme Kimiko Koyama, 69 ans, à gauche sur la photo ; “Beaucoup d’amis et voisins ne reviendront pas. Il n’y a pas de travail. Ce n’est pas commode,  les jeunes ont peur des radiations. “
© BBC/Reuters

Premiers retours ? Combien de personnes auraient pu rester ?

Parmi les 11 communes de la Zone de Décontamination Spéciale, le premier nettoyage a avoir été achevé est celui de Tamura. Dans cette municipalité l’ordre d’évacuation a été levé. Le retour des habitants a été autorisé à partir du début avril 2014.

En septembre 2015, les autorités japonaises invitèrent les habitants de Narana à regagner leur ville. Cette petite ville située à 20 km de la centrale, entièrement évacuée en 2011, fut la première à permettre le retour permanent de sa population après plusieurs années de décontamination. Selon un reportage de la BBC, seulement 46 % des résidents escomptaient retourner.

Lors d’un intéressant interview en mars 2016 dans les Échos, M.Jacques Répussard directeur de l’IRSN, s’interroge sur le coût social et économique d’évacuations parfois fondées sur une surestimation des risques : “Des chercheurs de l’université de Tokyo ont équipé de dosimètres des travailleurs qui pouvaient continuer à se rendre en journée dans une zone évacuée. A notre surprise, leur dose reçue s’est révélée inférieure d’un tiers à la moitié à celle attendue, qui avait motivé l’évacuation de la zone. Cela est dû au fait que les experts sont entraînés à prendre des marges pour être certains de bien prévenir les risques”..

Constatant le coût économique et social élevé des évacuations, et les nombreuses vies abrégées par le déracinement, M.Répussard recommande de ne pas évacuer par précaution, mais sur la base d’une estimation réaliste du risque : “Il y a eu 200.000 personnes éloignées, il aurait peut-être fallu n’en évacuer durablement que la moitié … “.

Carte des premiers retours autorisés
Les décontaminations des territoires et les baisses des niveaux de radioactivité permettent le retour progressif des habitants dans certaines zones évacuées. Depuis avril 2014 le retour à tout ou partie de 6 communes a été autorisé dont celles de Tamura et Naraha (soit pour des séjours permanents, soit pour la journée seulement). En 2017, d’autres autorisations de retour sont prévues, notamment à Itate le district le plus éloigné de la centrale situé dans la montagne.
© DR

Depuis avril 2014, les retours ont été autorisés dans 6 communes, où la dose d’exposition était descendue au dessous de 20 millisieverts par an. Cette décision a été contestée par des organisations pour qui la limite de 20 mSv présente trop de risques. Le risque d’un futur cancer résultant de telles expositions, est toutefois très faible selon la règle standard de la  relation linéaire sans seuil, moins de 1 millième par an, probablement moins pour les personnes d’un certain âge. Il doit être mis en regard du traumatisme de l’évacuation et de l’importance pour beaucoup de retrouver leur cadre de vie et leur maison.

Début 2016, 79 000 personnes étaient encore déplacées dont 48 000 dans la préfecture de Fukushima. De nombreuses familles et personnes, notamment les jeunes, ont refait leur vie dans d’autres territoires. Les trois-quarts des 25 000 personnes qui avaient volontairement quitté la préfecture de Fukushima, n’avaient pas l’intention d’y retourner, d’autant que, malgré les efforts du gouvernement, l’activité économique tarde à redémarrer.

Bilans et états des lieux : Le lecteur intéressé par les suites de l’accident de Fukushima pourra consulter les bilans et documents suivants récents, établis par des ingénieurs compétents :

– 2020 . La région côtière de Fukushima : transformation et résilience (Article RGN, Mai 2020)

– Is Fukushima’s exclusion zone doing more harm than radiation?, mars 2016, Rupert Wingfield-Hayes (BBC News, Tokyo)
– Le directeur de l’IRSN revient sur les leçons de Fukushima, Jacques Repussard 11 mars 2016 (Les Echos – RGN)
– Fukushima 2017 : État des lieux et perspectives , par J-P Pervès, V.Faudon, Th.Hurel (pages 6-8) (pdf – mars 2017)
– Growing crops in the shadow of Fukushima, 29 may 2019 (BBC News)