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Difficultés techniques : centrifugeuses IR-1 et IR-2

Centrifugeuses IR-1 ou P1
Lors d’une visite en mars 2008 de l’usine souterraine de Natanz, le président Ahmadinejad accompagnés d’officiels et de journalistes, passe devant des rangées de centrifugeuses de type IR-1. Ces centrifugeuses de première génération ont été développées en Iran à partir d’un modèle pakistanais connu sous le nom de P1. Ces centrifugeuses sont constituées d‘un tube d’environ 2 m de haut contenant un rotor en aluminium tournant à très grande vitesse dans lequel est introduit l’hexafluorure d’uranium. Au printemps 2009, 7000 de ces centrifugeuses avaient été installées et avaient enrichi 1,2 tonne d’uranium à 4%.
© Photo: Iran’s Presidency Office/European Pressphoto Agency

L’enrichissement de l’uranium nécessite un grand savoir-faire et des matériaux de grande qualité. L’Iran n’a pas choisi la voie la plus facile et la plus rapide s’il cherche la bombe

Le programme iranien repose sur deux types de centrifugeuses appelées IR-1 et IR-2. Les centrifugeuses de première génération IR-1, en service à Natanz, furent développées à partir d’un modèle pakistanais. La mise au point de ces centrifugeuses a été laborieuse : 7000 étaient installées au printemps 2009 contre 3000 en 2007, beaucoup moins que les 54 000 planifiées en 2006. Les ingénieurs iraniens rencontrèrent de nombreux déboires dans la mise au point de ces centrifugeuses, du fait que le matériau constituant des rotors est soumis à des accélérations des dizaines de milliers de fois supérieures à la pesanteur.

Centrifugeuses IR-2 : rotors en fibres de carbone
Dans l’usine pilote d’enrichissement de Natanz, située dans des bâtiments non enterrés, M. Ahmadinejad examine le tube en fibres de carbone qui constitue le rotor d’une nouvelle génération de centrifugeuses de fabrication nationale, appelées IR-2 (Seconde génération iranienne).  La longueur du rotor de ces centrifugeuses est d’environ 1 m soit la moitié de celui des centrifugeuses IR-1, mais il tournerait deux fois plus vite. Le rotor en fibres de carbone serait beaucoup plus résistant aux forces centrifuges que l’acier spécial initialement envisagé.
© Photo: Iran’s Presidency Office/European Pressphoto Agency/NY_Times

Gholamreza Aghazadeh, l’ancien patron de l’Organisation de l’énergie atomique iranienne raconte : “Nos machines tombaient en panne fréquemment dans les premiers jours du programme. Une étude montra que des grappes de microbes laissées par inadvertance par les mains des techniciens travaillant à l’assemblage de centrifugeuses en étaient la cause. Cette petite quantité de microbes fut suffisante pour déséquilibrer la rotation et détruire la machine. Par destruction, nous voulons dire que la machine était réduite en poudre”.

Ces difficultés conduisirent l’Iran à développer un nouveau type de centrifugeuses, dites IR-2, basées sur le modèle de centrifugeuses pakistanaises P2 de seconde génération. Un rotor en acier ultra résistant, permettait d’accroître la capacité d’enrichissement en tournant plus vite tout en diminuant le risque de destruction. Mais un tel acier était difficile à produire. L’Iran a alors développé son propre modèle en remplaçant l’acier du rotor par des fibres de carbone, une matière incroyablement résistante pour son poids.

En septembre 2009, l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA) annonçait que ses scientifiques étaient parvenus à fabriquer une nouvelle génération, plus performante, de centrifugeuses.

Une production ralentie

Fin février 2010, lors d’un briefing à la Maison Blanche, les responsables de la haute administration déclarèrent posséder des preuves que l’Iran avait du mal à conserver ses équipements d’enrichissement en état de fonctionnement. Des milliers de centrifugeuses installées à Natanz, son site principal pour l’enrichissement, ne tournaient pas. L’administration Obama déclarait que l’Iran ne produisait que 100 grammes par jour d’uranium enrichi, et que, même s’il en quadruplait sa capacité, il faudrait encore plusieurs années pour en produire suffisamment pour une arme.

Difficultés techniques ou sabotages ? En 2008, le Président George Bush, après avoir refusé une demande secrète par Israël de bombes capables de détruire les installations souterraines du complexe de Natanz, aurait déclaré à ses interlocuteurs, selon de hauts responsables américains et étrangers, qu’il avait autorisé des actions secrètes de sabotage destinées à faire dérailler les développements présumés de l’Iran vers des armes nucléaires.

L’éventualité de sabotages se renforça en novembre 2010 quand des informations firent état d’un virus informatique appelé STUXNET qui se serait attaqué au fonctionnement des centrifugeuses en détraquant les vitesses de rotation. L’AIEA constata que l’Iran avait suspendu quelques jours l’enrichissement à la suite de dysfonctionnements électriques sans que l’on puisse dire dans quelle mesure ces incidents étaient liés au virus. Peu après, le 29 novembre deux spécialistes du nucléaire étaient victimes d’attentats à la bombe par des assaillants à moto, alors qu’ils se rendaient à leur travail. L’un des scientifiques fut tué (le troisième en 2 ans) et l’autre blessé. Les autorités y virent la main du Mossad et de la CIA.

Malgré le savoir-faire acquis des ingénieurs iraniens, des mois de difficiles recherches et développements étaient encore nécessaires avant l’utilisation à grande échelle de ces centrifugeuses, dont l’emploi devait multiplier par 4 la capacité d’enrichissement.

En janvier 2013, Téhéran informa l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) de son intention d’utiliser des centrifugeuses de type IR-2m dans l’unité A-22 du centre d’enrichissement de Natanz. Cette nouvelle génération de centrifugeuses plus modernes, conçue pour un enrichissement faible, inférieur à 5%, ne devait pas être destinée à l’installation de Fordo. Cette installation était prévue progressive. Un premier lot de 180 centrifugeuses IR-2m aurait été installé durant le mois de février 2013.

Avant de passer la main après l’élection d’Hassan Rouhani comme nouveau président, M. Fereydoun Abbasi Davani, responsable du programme nucléaire iranien, avait chiffré le 17 août 2013 à environ 18.000 le nombre de centrifugeuses dont plus de 10.000 en activité, confirmant des chiffres donnés par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Sur les 18.000, environ 1.000 centrifugeuses, bien plus performantes, étaient de seconde génération.

Après l’accord sur le nucléaire iranien du 14 juillet 2015

Une des clauses de l’accord était une très forte limitation des capacités d’enrichissement de l’Iran, qui devait renoncer en particulier à utiliser ses centrifugeuses les plus performantes. Durant 4 ans, les inspections de l’AIEA montrèrent que les obligations avaient été respectées. Ce n’est plus le cas depuis août 2019. En raison des sanctions économiques très lourdes dont le pays est l’objet de la part de l’Administration Trump qui s’est retirée de l’accord, l’Iran annonça qu’il remettait en services des centrifugeuses performantes, mais restait sous le contrôle de l’AIEA et déclarait ce dépassement réversible.

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