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Contaminations et contrôles sanitaires au Japon

Contrôles de contamination sur un enfant
Techniciens en tenue de radioprotection contrôlant la présence de contamination radioactive sur ce petit garçon originaire de la zone évacuée autour de la centrale de Fukushima. Contrairement à ce qui s’était passé à Tchernobyl, les autorités japonaises prirent très tôt les précautions nécessaires. La plus essentielle était d’éviter l’ingestion ou l’inhalation de matières radioactives, une exposition interne étant de loin la plus dangereuse.
©  Asahi Shimbun, via Reuters

Les conséquences sanitaires de l’accident ont concerné en premier lieu le Japon. Dans les autres pays, elles ont été beaucoup plus réduites, voire négligeables en Amérique et en Europe.

Au Japon, les contaminations ont essentiellement touché les alentours de la centrale, le nord-ouest, les préfectures autour de Fukushima et à un moindre degré Tokyo et ses millions d’habitants. Pour une bonne radioprotection, il faut éviter l’exposition interne la plus dangereuse : le contrôle de l’eau, des aliments et de leur vente s’avère primordial.

Dans les premières semaines qui suivirent l’accident, la principale contamination dont il fallait se protéger était celle de l’iode-131, amenée à disparaître en quelques semaines, mais qui pénètre la chaîne alimentaire à travers les légumes à grandes feuilles et le lait. Mardi 22 mars, l’annonce qu’en centre ville de Tokyo des niveaux d’iode-131 de 210 becquerels (bq) par litre avaient été décelés (deux fois le seuil de 100 recommandé pour les bébés) causa de l’émotion. Cette anomalie dura 24 h.

Trois mois après l’accident, trois types de denrées présentaient encore une contamination significative en césiums 134 et 137, dépassant occasionnellement les niveaux maximaux admissibles, les pousses de bambou, des feuilles de thé vert et les abricots du japon.

Calcul de dose d’un riz contaminé
En octobre 2011, les médias firent état d’un échantillon de riz récolté dans la région de Fukushima dont l’activité de 0,5 kBq/kg dépassait 5 fois la dose légale. Le calcul de la dose résultante de l’ingestion d’un kilo de ce riz (à partir de la table des facteurs de doses) montre que cette dose reste très faible. La limite est prudente. Il n’y a pas de raison de s’inquiéter mais la vigilance s’impose.
© IN2P3

Lors de l’accident de Tchernobyl, il avait été constaté dans le cas du césium que la contamination des aliments, initialement due aux dépôts radioactifs sur les feuilles et l’herbe, diminuait ensuite beaucoup plus rapidement que la décroissance radioactive (c.f. Césium en France) : dès la première repousse, l’absorption du césium moins efficace se fait par l’intermédiaire des racines. Une évolution similaire a eu cours au Japon : sur les 10 millions de sacs de riz produits en 2012 sur les terrains décontaminés de la préfecture de Fukushima, seuls 71 dépassaient les normes.

Six ans après l’accident, la radioactivité des productions agricoles des territoires concernés sont largement en dessous des seuils, sauf rares exceptions (certains champignons par exemple). Il en va de même pour la pêche en eau vive, mais la pêche de poissons dans les fonds sédimentaires à proximité du site reste interdite en raison de la fixation du césium dans ces sédiments.

Pour tous les aliments suivis depuis 2011 (céréales, fruits et légumes, viande, lait …), les taux de contamination totaux ont diminué pour atteindre un taux négligeable, rendant possible leur consommation. Tous les résultats obtenus ont révélé des niveaux en deçà de la limite de 100 becquerels par kilo instaurée par les autorités japonaises.

Risques de cancers ?

Les expositions à la radioactivité auxquelles ont été soumises la grande majorité de la population au Japon appartiennent au domaine dit des “faibles doses”. Les radiobiologistes ignorent si dans ce domaine les rayonnements induisent ou non des cancers. Dans l’ignorance et au nom du principe de précaution, les organismes de radioprotection font l’hypothèse que c’est le cas. Ils se basent pour calculer le nombre de cancers à venir sur une règle appelée “relation linéaire sans seuil“.

Rappelons que la limite réglementaire de 1 millisievert (mSv) exclut les expositions les plus courantes : radioactivité naturelle et examens médicaux. Un examen fréquent comme un scanner la dépasse très largement. Par application du principe de précaution, la limite des expositions hors radioactivité naturelle et examens médicaux a été fixée à ce niveau très bas. Le risque correspondant est très faible et ne doit pas être une source d’angoisse.

Il est encore trop tôt pour savoir si d’éventuels cancers se déclareront d’ici quelques années. Un parallèle avec Tchernobyl n’est toutefois pas justifié. D’après une enquête réalisée sur les personnes qui résidaient dans la préfecture de Fukushima au moment de l’accident, seules 15 avaient reçu plus de 15 mSv durant les 4 premiers mois parmi les 564 083 personnes ayant répondu. Les rejets ont été plus faibles et surtout, contrairement au cas de l’ex-URSS en 1986, des précautions ont été prises à temps par les autorités (mise à l’abri des populations, contrôles alimentaires stricts). Une étude épidémiologique de grande ampleur a été lancée dès 2011 sur les effets des radiations à faibles doses sur les résidents de la préfecture de Fukushima. Plus de 2 millions de personnes seront médicalement suivies pendant trente ans !

Cancers de la thyroïde : De nombreux cancers de la thyroïde furent observés chez les enfants et adolescents à proximité de Tchernobyl, les autorités ayant tardé à prendre les mesures appropriées. Au Japon, les populations eurent le temps d’être mises à l’abri et les aliments contrôlés dès les premiers jours les plus critiques. Une épidémie similaire n’est pas apparue 6 ans après. Un bilan thyroïdien (échographie, puis biopsie en cas d’anomalie), a été réalisé depuis l’accident sur les enfants alors âgés de 0 à 18 ans, soit 367 707 personnes. Des campagne d’analyses sont effectuées tous les deux ans afin de constater une éventuelle augmentation des cas. La première campagne a débouché sur la détection d’une tumeur cancéreuse retirée pour 98 enfants. Ce nombre est voisin des cancers de la thyroïde attendus de causes naturelles observés à partir de campagnes similaires menées dans des préfectures japonaises (Aomori, Yamanashi…) non touchées par les retombées radioactives et montrant des incidences entre 23 et 130 pour 100 000. Il n’y a donc pas pour l’instant de lien entre les retombées radioactives et l’incidence des cancers de la thyroïde.

– Fukushima 2017 : État des lieux et perspectives, par J-P Pervès, V.Faudon, Th.Hurel (Impact radiologique – page 3 (pdf – mars 2017)